Elle se définissait comme « libre et libertaire, sans jamais accepter un clan plutôt qu’un autre » dans les colonnes des Inrockuptibles. Catherine Ribeiro, figure incontournable de la musique expérimentale des années 1970 et militante des libertés humaines, est décédée à 82 ans, à Martigues (Bouches-du-Rhône).
Passée au cinéma dans Les Carabiniers de Jean-Luc Godard, aux côtés de Patrice Moullet, elle se dirige rapidement vers la musique. Avec Moullet, elle fonde le groupe Alpes qui accouchera de 9 albums. Elle s’impose alors comme l’héritière de Colette Magny et de Léo Ferré. Et ses chansons engagées lui valent d’être surnommée la « pasionaria rouge » ou encore « la grande prêtresse de la chanson française ».
Elle apparaît en avril 1966 en une de « Salut les copains », sur la fameuse « photo du siècle », avec toutes les stars montantes de la chanson. Mais cette descendante d’ouvrier portugais, indocile et tourmentée, refuse ce destin tout tracé : « Je ne veux pas me transformer en cover-girl. La chansonnette de tous les jours ne m’intéresse plus. »
Elle opte alors pour l’avant-garde et s’oriente vers des sonorités à mi-chemin entre le psychédélisme et le rock progressif, entre la musique minimaliste et le jazz. Ses chansons témoignent de ses multiples engagements : pour la Palestine, pour les réfugiés chiliens, contre la guerre au Vietnam, pour l’écologie, contre le président Valéry Giscard d'Estaing…
Jugée trop rebelle et à mille lieues des canons commerciaux, elle est boycottée par les médias. « La beauté insoumise de Catherine et sa colère chevillée à l’âme incommodent le show-business », disait Léo Ferré.
Ce qui ne l’empêche pas de trouver son public, souvent militant comme elle. Elle se produit à la Fête de l’Humanité où elle chante devant 120.000 personnes.
En 1982, elle remplit Bobino pendant trois semaines. Avec un soir un spectateur célèbre, qui se faufile incognito : le tout nouveau président socialiste François Mitterrand.
Si elle revendique fièrement ses engagements, Catherine Ribeiro vit mal d’être résumée à cela. « J’en ai assez qu’on me fasse porter cette seule étiquette rouge, disait-elle en 1980. Ce n’est pas moi qui me suis marginalisée, on m’a marginalisée ! J’irai vers un public plus large si les chaînes de radio et la télévision se décident enfin à me considérer comme une chanteuse à part entière ».
Mais on ne la verra désormais plus beaucoup sur scène. Repliée dans les Ardennes dans les années 1980, elle épouse le maire socialiste de Sedan, Claude Démoulin. Elle subit un AVC en 2020 et doit être hospitalisée dans une clinique allemande.
Ces dernières décennies, elle sortait peu de son silence, se produisant tout de même au Bataclan et aux Francofolies. Avec toujours la même soif d’engagement. « Jusqu’à mon dernier souffle, je me battrai pour les libertés. »