Sortie en 2019, The Naked Director raconte l’ascension de Toru Muranishi, un ancien vendeur d’encyclopédies, puis éditeur de binibon, des magazines plastifiés pour adultes, devenu réalisateur de films pour adultes ou AV dans les années 1980 au Japon. Ses vidéos originales ont bousculé la morale japonaise de l’époque et lui ont valu quelques arrestations, notamment lorsqu’il a organisé un marathon de tournage à HawaÏ en 1986.
L"’Empereur du porno", incarné dans la série Netflix par Takayuki Yamada (L'Île aux chiens), a scandalisé une bonne partie de la société japonaise tout en devenant un pionnier de l’industrie du porno. Cet avant-gardiste a lancé des stars, comme Kaoru Kuroki, et a réussi à concurrencer des ennemis redoutables, qui donnaient des pots-de-vin à la police et aux yakuzas.
Mise en ligne ce 24 juin, la saison 2 de The Naked Director débute à l’ère Heisei durant laquelle les vidéos non censurées incluant des actes non simulés de Toru Muranishi connaissent un succès retentissant. Ces nouveaux épisodes vont continuer d'expliquer l'ascension et le pouvoir du réalisateur dans l'industrie pornographique.
Mais il faut savoir que la série Netflix, qui prend de nombreuses libertés avec la réalité a fait l'objet de quelques critiques à sa sortie, notamment sur le traitement réservé à Kaoru Kuroki, incarnée par Misato Morita. Elle a été introduite dans la série sous son vrai nom de scène sans sa supposée permission. L’ancienne actrice pornographique a pris sa retraite de la vie publique en 1994 après avoir déclaré qu’elle avait subi des violences physiques de la part de Muranishi.
Depuis, elle somme les magazines et autres éditeurs de vidéos de lui demander sa permission avant de publier des informations sur sa vie privée ou de republier des éléments de son passé dans la pornographie. Celle qui a fait évoluer la façon dont l'industrie audiovisuelle et les actrices étaient perçues par le grand public au Japon avait d’ailleurs poursuivi en 2004 l’éditeur Shogakukan pour atteinte à la vie privée après la parution de deux numéros publiant des histoires et images personnelles.
En 2007, le verdict est rendu en sa faveur et la justice lui accorde 1,7 million de yens comme l’a révélé UPI. Certains médias et internautes japonais s'étaient posé la question lors de la sortie de la première saison de son atteinte à la vie privée dans la série Netflix, qui dépeint la vie de Kaoru Kuroki à travers l’histoire de Muranishi.
Le média Joshi Spa avait d'ailleurs contacté Netflix qui a répondu que ni Kaoru Kuroki ni Muranishi n'étaient impliqués dans la production, que The Naked Director était une adaptation du livre du même nom écrit par Nobuhiro Motohashi et que le bouquin avait déjà fait l'objet d'une validation par les concernés, qui n'ont tout de même pas été impliqués dans le processus d'adaptation.
Par ailleurs, la plateforme a pris des libertés avec le matériau d’origine et certains médias japonais se sont indignés du portrait très sympathique dressé de Toru Muranishi. The Naked Director le dépeint comme un libérateur sexuel et un défenseur des femmes alors qu’il y a quelques zones d'ombre au tableau, dont l'accusation de Kaoru Kuroki de violences physiques de la part de Muranishi.
Le site Gendai rappelle certaines sorties sexistes du réalisateur, à l’image de ce tweet douteux sur le mouvement féministe japonais fragile et stigmatisé, appelé #WeToo. Dans son article, la journaliste Masae Ido explique que le portrait dressé de Toru Muranishi est plus reluisant qu’il ne l’est en réalité.
Elle insiste également sur le parti pris machiste de la construction du personnage puisqu’il est décrit "comme une victime de sa femme infidèle pour qu’il soit sympathique aux yeux des spectateurs." L'enfance et le parcours professionnel de Toru Muranishi sont très romancés dans la série, selon la journaliste, et ses actions illégales ou mauvaises sont toujours le résultat d'un rejet, d'une "faute" ou d'une "mauvaise action" d'une femme.
Masae Ido explique également que celui qui est dépeint comme un libérateur sexuel et défenseur des femmes dans l'industrie pornographique n'a finalement fait que reproduire un schéma machiste en visant un public exclusivement masculin et les actrices d'AV sont encore stigmatisées aujourd'hui et participent à des vidéos problématiques qui contournent la loi.