L'annonce de la retraite de Bruce Willis pour raisons de santé a choqué des millions de fans, cette semaine. L'acteur phare de Die Hard, Pulp Fiction ou encore Le Cinquième élément est atteint d'aphasie, une maladie empêchant de communiquer correctement, qui s'avère difficilement compatible avec le métier de comédien, comme le détaille une enquête du Los Angeles Times.
Une rumeur courait à propos de sa santé déclinante depuis quelque temps, et cet article confirme que cela fait au moins quatre ans que le comédien est malade. Sur cette période, Bruce Willis a tourné dans 22 DTV ("Direct-to-DVD"), des films d'action pour lesquels ses associés ont négocié des tournages courts (seulement deux jours de travail pour certains, jamais plus de 8h par jour sur le plateau pour tous) pour un maximum de profits : autour de 2 millions de dollars par projet. Les contrats de la star spécifiaient de ne pas lui faire jouer de monologue, seulement des répliques courtes, imposaient une oreillette pour qu'un autre comédien puisse lui dire ses dialogues, ainsi que des cascadeurs pour participer aux scènes d'action, afin qu'il ne tourne en personne que les gros plans. Des films produits par exemple par les sociétés Emmett/Furla Oasis et 308 Entertainment Inc, qui sont montés très rapidement quand une star populaire telle que lui signe, même s'il apparaît au final très peu à l'écran. Ce type de productions a récemment fait du bruit quand une catégorie spéciale Bruce Willis a été créée aux Razzie Awards, les anti-Oscars. Remis ce week-end, ce prix parodique vient d'être annulé par l'organisation suite aux révélations sur l'état de santé du comédien.
Mike Burns, le producteur de l'un de ces films, Out of Death, avoue ainsi qu'il était au courant que Bruce Willis souffrait de pertes de mémoire, mais pas que sa maladie était aussi grave. Il explique avoir fait passer un mémo avant le tournage, en juin 2020, afin que les scènes de la star soient réduites à seulement 25 pages pour ce film en particulier : "Après le premier jour de tournage, j'ai compris qu'il avait un problème plus grave que ce qu'on nous avait dit, et j'ai réalisé pourquoi on nous avait demandé de réduire ses répliques." Il ajoute alors que le fait d'écrire noir sur blanc dans son contrat qu'il n'aurait qu'une poignée de jours de tournage a rendu ceux-ci exténuants pour l'acteur, qui a dû filmer toutes ses scènes en très peu de temps. Quand l'équipe entourant Willis lui a proposé de tourner un autre DTV avec lui, Wrong Place, il a hésité. "Je leur ai demandé : 'Comment va Bruce ?' Et ils m'ont dit que c'était une toute autre personne... Bien plus en forme que celle de l'année dernière. Je les ai crus." Quand les prises de vue ont démarré en octobre 2021, Burns a immédiatement regretté d'avoir accepté. "Je ne crois pas qu'il allait mieux, j'ai pensé qu'au contraire, c'était pire. Après ça, je leur ai dit : 'C'est fini, je ne tournerai plus de films avec Brice Willis.' Je suis soulagé qu'il ait décidé d'arrêter.
L'article ne nomme pas les membres de l'équipe de professionnels du cinéma qui entourent Bruce Willis, mais précise que ces décisions ne dépendaient pas de sa famille (ce sont ses filles, sa femme et son ex-femme Demi Moore qui ont publiquement annoncé sa maladie mercredi). On apprend aussi que celle-ci travaillait depuis longtemps à ses côtés, bien avant que sa maladie ne soit diagnostiquée. Notamment ses agents de la société CAA, très influente à Hollywood.
Seuls Adam Huel Potter, la personne lui servant de "prompteur" -présenté comme un acteur sur les tournages mais chargé en fait principalement de lui dire ses répliques dans une oreillette- et son assistant le plus proche, Stephen J. Eads, sont cités. Travaillant depuis les années 1990 auprès de lui, ce dernier est officiellement crédité comme producteur sur ses films, mais "il guide en fait Bruce partout, commente une personne ayant travaillé sur Hard Kill (Open Source, en "VF"), un autre DTV sorti en 2020. Il lui dit où aller et le surveille." Un autre se souvient avec tristesse du tournage de White Elephant (actuellement en post-production), pour lequel ses scènes avaient été tournées en premier, très rapidement, pour s'assurer de sa présence à l'écran : "Il a demandé à voix haute en nous montrant du doigt : 'Toi, je sais pourquoi tu es là, toi aussi... Mais moi, je suis là pour quoi ?' Quelqu'un lui donnait une réplique à dire et il ne comprenait même pas ce que ça signifiait. Il était manipulé comme un pantin." Jesse V. Johnson, qui a réalisé le film en question, connaissait Bruce Willis depuis une dizaine d'années, quand il était alors cascadeur. En le voyant arriver sur le plateau en avril 2020, "il était clair que ce n'était pas le Bruce dont je me souvenais, raconte-t-il. (...) Après cette expérience, on a décidé en tant qu'équipe qu'on n'en ferait plus d'autre. Nous sommes tous des fans de Bruce Willis, et on avait l'impression que cet arrangement avait été fait pour de mauvaises raisons. C'est une triste fin pour une carrière incroyable, et cela nous a tous mis mal à l'aise." Terri Martin, qui a supervisé ce tournage, confirme : "Il avait l'ai si perdu, pourtant, il disait : 'Je ferai de mon mieux.' Il faisait toujours de son mieux. C'est l'un des meilleurs de tous les temps, et j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour son travail, mais il était temps pour lui de prendre sa retraite."
Lala Kent, qui jouait sa fille dans Hard Kill, raconte de son côté que l'aphasie qui touche Bruce Willis ne l'empêche pas seulement de se souvenir de ses répliques ou de les jouer correctement, mais qu'elle impacte aussi ses actions physiques. Elle prend l'exemple d'une séquence où le réalisateur avait donné au comédien une instruction simple : dire sa réplique pour que sa partenaire se baisse, puis tirer pour sauver sa fille. Sauf qu'il tirait d'abord, ce qui empêchait l'actrice de tourner la suite de la séquence. "Comme je lui tournais le dos, je n'étais d'abord pas sûre de ce qui se passait derrière moi. La première fois, je me suis dit : 'Pas de problème, on va la refaire.' J'ai demandé au à Matt Eskandari de lui redire sa réplique avant de tirer, et on a recommencé. Mais à la prise suivante, il a refait exactement la même chose."
Chuck Russell, qui a mis en scène Paradise City en mai dernier à Hawaï, assure cependant que Bruce Willis était très content de travailler sur ce projet en particulier, car cela marquait ses retrouvailles avec l'un de ses partenaires de Pulp Fiction : "Il était heureux de travailler avec John Travolta, on pouvait voir que le charme de l'ancien Bruce Willis était toujours là. Il a joué comme lors de ses meilleurs jours, et on a fait attention à ce qu'il passe du bon temps avec John, que ce soit une bonne expérience pour eux."