Un film radical et sensoriel ! Noir et blanc de Claire Devers est ressorti en salles la semaine dernière, après être resté très longtemps introuvable car jamais édité en DVD.
L'histoire suit Antoine, un jeune homme sans histoire, jusqu'au jour où il doit suivre des séances de massage. Il rencontre Dominique, masseur noir, qui lui se découvre sadique. Il ira jusqu'au bout de ce rapport étrange sans rien vouloir dire à personne.
Noir et blanc est le premier long métrage de la réalisatrice Claire Devers, auréolé de la Caméra d'or en 1986 au Festival de Cannes. Très bien reçu par la presse à l'époque de sa sortie, et suivi d'une carrière internationale, Noir et blanc est ensuite devenu introuvable, car certes édité en VHS, mais jamais en DVD.
Cette invisibilité est d'autant plus dommageable que Noir et blanc est un film singulier et remarquable. Sa forme, son sujet, sa radicalité... Tout impressionne dans ce premier long métrage.
"Au début, j’étais partie pour réaliser un reportage sur les centres sportifs, les salles de musculation. (...) À partir de là, je suis tombée sur un sujet que je ne soupçonnais pas : le narcissisme, le recentrement vers soi. Puis, j’ai lu la nouvelle de Tennessee Williams, Le masseur noir. Tout s’est mélangé alors. Je n’ai gardé de Tennessee Williams que l’image symbolique du Noir. Les centres de musculation m’intéressaient comme phénomène de société."
De ce point de départ, Noir et blanc évolue ensuite vers un film très sensuel, sensoriel, avec un travail sur l'image et le son qui forment un tout. Le film propose de longues scènes de massage, sans dialogue. S'il s'agit bien de mettre en image une relation sado-maso, Noir et blanc ne cherche pas en revanche à filmer la jouissance par la violence. L'approche est pudique, et suggère plus qu'elle ne montre.
"Je suis très étonnée par le malaise que ce film provoque chez certaines personnes, par son intensité surtout. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi répulsif. Que mon film mette à ce point mal à l’aise. Je pensais bien qu’il ferait peur, mais je ne pensais pas que certaines personnes auraient du mal à suivre l’histoire à cause de cette trouille", peut-on lire dans ces propos rapportés de Claire Devers dans le dossier de presse.
Noir et blanc a également marqué son époque, pour la relation qu'il laisse poindre entre deux hommes. Faut-il y voir une histoire d'amour ? "Pour moi, il n’y a pas de rapport homosexuel entre les deux personnages", explique sans détour Claire Devers. En revanche, l'idée que le film permette d'imaginer des choses séduit la cinéaste. "J'ai besoin que le spectateur relationne avec le film", a-t-elle indiqué lors de l'avant-première du film, ce mercredi au Reflet Médicis.
Pour le magazine têtu, Noir et blanc est "un classique du cinéma gay sadomasochiste". "La communauté homosexuelle a très bien reçu le film, je pense, parce que je parlais de souffrances qu’on pouvait rencontrer dans le début des années 1980, avec le sida", indique Claire Devers dans les colonnes du magazine LGBTQ+. J’ai compris que j’avais touché une fibre émotionnelle très forte, mais ce n’était pas mon intention. Moi j’étais plus dans un truc mental d’élaboration, dans la portée du concept du masochisme".
Ce film radical qui convoque aussi bien le philosophe Gilles Deleuze et le cinéaste David Cronenberg ne devrait en tout cas pas laisser indifférents ceux le découvrant pour la première fois aujourd'hui.
Enfin, un petit clin d’œil : notons l'apparition de la mère de Maiwenn dans le film, Catherine Belkhodja (Maïwenn, étant d'ailleurs mentionnée dans les remerciements du générique de fin). Les deux rôles principaux du film sont tenus par Jacques Martial et Francis Frappat.