On ne présente plus l'icône hollywoodienne absolue que fut Marlon Brando. Si Brando était un fabuleux acteur, quoique très tourmenté côté vie privée, il avait aussi gagné une solide réputation d'être souvent ingérable sur les plateaux de tournage, avec un comportement lunaire.
Sur La poursuite impitoyable par exemple, le chef-d'oeuvre d'Arthur Penn, il incarnait le Shériff Calder, chargé d'arrêter un Robert Redford en cavale. Brando détesta tourner le film, en plus d'avoir peu de considération pour son personnage, pourtant fabuleux. En service minimum, il déclara s'être contenté de faire errer son personnage sur le plateau...
Un livre fraîchement traduit en anglais mais publié en Italie en 1982 révèle une anecdote éclairante sur l'acteur, dans un article du Guardian (via Deadline). Intitulé Hollywood on the Tiber, ce livre fut écrit à la fin des années 70 par Hank Kaufman et Gene Lerner, un couple américain arrivé à Rome en 1953, qui est devenu agent, ami et confident de certaines des plus grandes stars du cinéma, dont Anita Ekberg, Ava Gardner ou Simone Signoret.
En 1954, Sur les quais d'Elia Kazan a valu à Marlon Brando, qui incarne le docker - boxer Terry Malloy, l'Oscar du Meilleur acteur; une des huit statuettes remportées par ce classique absolu du cinéma américain.
Cette même année, l'acteur fut présent en Italie, à Rome, pour l'avant-première du film. Il fut d'ailleurs placé à côté d'une jeune et sublime comédienne de 19 ans : Sophia Loren. En découvrant que sa voix avait été doublée dans la version italienne, Brando est devenu furieux.
"Pourquoi personne ne m’a dit que j’allais voir une version doublée ?" lâcha-t-il. Son agent, embarrassé, qui s'attendait à la version originale en anglais, explique dans le livre que Brando "s'est levé de son siège comme s'il avait eu une crise cardiaque", chuchotant frénétiquement : "Sortez-moi d'ici !"
"Je ne me suis jamais vu doublé. Je suis un acteur, pas un pantin pour un stupide ventriloque. Pouvez-vous imaginer ce que ça fait d’entendre la voix de quelqu’un d’autre sortir de ma bouche ? Vous vous sentez comme un foutu monstre dans un spectacle. Bon Dieu, pourquoi personne ne m'a préparé ? Vous ne le saviez pas, les gars ?"
Lorsque Brando tenta de quitter la salle, Gene Lerner lui a alors dit : "si tu fais ça, tout le monde écrira sur ton départ. Ils diront que tu as détesté, que tu as renié le film, peu importe. Ils écriront des tonnes de choses et ne diront rien sur la qualité du film".
Parti boire un verre dans un bar dans le coin pour se calmer, Lerner le persuada malgré tout de revenir dans la salle, 5 min avant la fin du film. De sorte que, dans la pénombre, personne ne remarqua son absence : "Alors que les lumières s'allumaient dans le cinéma, Brando se tenait debout, penché par-dessus la balustrade de la mezzanine pour répondre aux applaudissements enthousiastes et aux bravo".