Il est le visage de la Nouvelle Vague. Pourtant Jean-Pierre Léaud, l'interprète d'Antoine Doinel dans le film culte de François Truffaut, Les 400 coups, connaît des instants difficiles.
Ses amis de l'association de cinéphiles "Les amis de François Truffaut" ont ainsi lancé une cagnotte en soutien et en reconnaissance à cet immense acteur. A l'heure où nous écrivons ces lignes, la cagnotte affiche le montant de 10 125 euros sur les 15 000 euros espérés.
Armand Hennon, le président de l'association explique dans la lettre qui accompagne la cagnotte : "Aujourd’hui malgré une carrière exceptionnelle, Jean-Pierre traverse une passe difficile sur le plan moral, physique et matériel. Son ami Serge Toubiana témoin de cette situation préoccupante vient de décider de mobiliser ses nombreux contacts dans le milieu du cinéma et de faire appel à leur générosité.
Les fonds qu’il récoltera seront entièrement versés à Jean-Pierre et Brigitte [son épouse, ndlr] pour répondre à des besoins médicaux, de repos et sans doute d’aide administrative et de vie.
J’ai pensé que nous pouvions également, de notre côté, témoigner de notre solidarité amicale et reconnaissante envers Jean-Pierre et c’est la raison pour laquelle nous ouvrons une cagnotte dont tous les dons sont sécurisés et dont le bénéfice lui sera reversé."
Âgé de 79 ans, l’icône de toute une génération touche une maigre retraite car la plupart de ses grands rôles au cinéma datent de la Nouvelle Vague. Acteur fétiche de François Truffaut, avec lequel il a tourné à 8 reprises notamment dans Les 400 coups (1959), Baisers volés (1968), La Nuit américaine (1973) et L'Amour en Fuite (1979), et de Jean-Luc Godard qui l'a dirigé à 10 reprises, il a reçu en 2000 un César d'honneur pour l'ensemble de sa carrière et la Palme d'honneur au Festival de Cannes en 2016.
Fils de Pierre Léaud et de la comédienne Jacqueline Pierreux, Jean-Pierre Léaud apparaît pour la première fois au cinéma dans La Tour, prends garde! (1957, Georges Lampin). Mais sa carrière commence vraiment à l'âge de 15 ans après qu'il répond à l'annonce dans France-Soir du casting des Quatre Cents Coups de François Truffaut.
Le film, qui est un succès international, est aussi l'une des œuvres fondatrices de la Nouvelle Vague dont Jean-Pierre Léaud devient, avec le personnage d'Antoine Doinel, l'un des acteurs les plus représentatifs.
De l'adolescent tourmenté des Quatre cents coups, son personnage fétiche va évoluer et grandir à travers quatre autres films : L'Amour à vingt ans (1962), Baisers volés (1968), Domicile conjugal (1970) et L'Amour en fuite (1979). François Truffaut l'initie même à la réalisation en le faisant travailler comme assistant sur La Peau douce en 1964.
C'est d'ailleurs comme assistant qu'il est engagé par Jean-Luc Godard pour Une femme mariée (1964), avant de devenir l'un des ses fidèles interprètes dans plusieurs de ses films à l'ambiance pop-art comme Pierrot le Fou (1965), Made in USA (1966) ou La Chinoise (1967).
Élevé au biberon de la Nouvelle Vague, il en explore au travers de son jeu décalé et souvent incompris les moindres possibilités en jouant dans des œuvres de plus en plus hermétiques. Déjà avec Deux Anglaises et le Continent, mais surtout avec La Maman et la Putain de Jean Eustache, scandale et échec cuisant de 1973.
Le décès de François Truffaut survenu en 1984 semble marquer la fin d'une époque pour Jean-Pierre Léaud. Il continue à se mettre en danger en tournant pour des auteurs tels que Benoît Jacquot (1985, Corps et Biens) ou encore Catherine Breillat (1986, 36 fillette), mais s'essaie malgré tout à la comédie populaire dans Les Keufs de Josiane Balasko (1987).
Depuis 1990 et le film J'ai engagé un tueur d'Aki Kaurismaki, le comédien recouvre une certaine aura grâce à des rôles mieux pensés qui le débarrassent de son encombrante enveloppe d'Antoine Doinel. Il tourne entre autres Paris s'éveille d'Olivier Assayas, Pour rire! de Lucas Belvaux et Le Pornographe de Bertrand Bonello. Des choix s'orientant vers un cinéma d'auteur engagé voire polémique.
Après une interruption de plusieurs années, l'acteur réapparaît au Festival de Cannes 2009 pour la présentation du film Visage de Tsai Ming-liang, et retrouve Aki Kaurismäki pour Le Havre en 2011, 20 ans après leur dernière collaboration sur La Vie de bohème.
En 2016 il incarne le Roi Louis XIV pour Albert Serra et donne une leçon de cinéma à des enfants dans Le Lion est mort ce soir de Nobuhiro Suwa (2018).