Coraline Jones est une fillette intrépide et douée d'une curiosité sans limites. Ses parents, qui ont tout juste emménagé avec elle dans une étrange maison, n'ont guère de temps à lui consacrer. Pour tromper son ennui, Coraline décide donc de jouer les exploratrices. Ouvrant une porte condamnée, elle pénètre dans un appartement identique au sien... mais où tout est différent. Dans cet Autre Monde, chaque chose lui paraît plus belle, plus colorée et plus attrayante.
Son Autre Mère est pleinement disponible, son Autre Père prend la peine de lui mitonner des plats exquis, et même le Chat, si hautain dans la Vraie vie, daigne s'entretenir avec elle. Coraline est bien tentée d'élire domicile dans ce Monde merveilleux, qui répond à toutes ses attentes. Mais le rêve va très vite tourner au cauchemar. Prisonnière de l'Autre Mère, Coraline va devoir déployer des trésors de bravoure, d'imagination et de ténacité pour rentrer chez elle et sauver sa Vraie famille...
Le contexte n'est pas aussi festif que prévu au moment de souffler les quinze bougies de Coraline. Auteur du conte horrifique qui a inspiré le long métrage sorti en 2009, Neil Gaiman est accusé d'agressions sexuelles par plusieurs femmes, comme l'a révélé le média Tortoise en juillet dernier. D'autres voix se sont depuis élevées contre le romancier, jusqu'alors considéré comme l'héritier de Roald Dahl en Grande-Bretagne, qui nie toujours les faits mais s'est mis en retrait de la production de la saison 3 de Good Omens, qui sera réduite à un seul long épisode.
C'est donc avec cette affaire en toile de fond que Coraline revient dans les salles pour fêter son anniversaire, plus beau et inquiétant que jamais. Si Neil Gaiman en a écrit l'histoire originale, son adaptation reste avant tout le bébé d'Henry Selick, réalisateur de L'Étrange de Noël de M. Jack qui ajoutait là une autre pépite à sa filmographie, et retrouvait le sourire après l'échec de Monkeybone, qui mélangeait prises de vues réelles et animation. Plus encore que dans James et la pêche géante.
Pour donner vie aux mésaventures de Coraline, cousine d'Alice dont le pays des merveilles aurait des allures de film d'horreur, le metteur en scène opte pour un récit animé de bout en bout. Image par image qui plus est, marque de fabrique du studio Laika qui signait là son premier long métrage, et s'illustrera ensuite avec L'Étrange pouvoir de Norman ou l'extraordinaire Kubo et l'armure magique.
Sorti dans nos salles le 10 juin 2009, Coraline était donc leur coup d'essai. Et un coup de maître. Un petit miracle d'équilibre entre une forme, l'animation, que trop de gens associent encore aux enfants et des thèmes plus adultes, doublé du chaînon manquant entre Disney et Ghibli, dans sa manière de se situer au croisement d'Alice au pays des merveilles et du Voyage de Chihiro, le temps d'un récit en forme de métaphore de l'adolescence, ce moment où les parents peuvent être vus comme des ennemis.
Sur le papier rien de bien nouveau, entre les influences, les thèmes ou l'utilisation du stop-motion. Dans les faits, et sur l'écran, c'est une autre histoire. Car le résultat est sans cesse surprenant, pour les adultes comme les enfants, et les couleurs vives cachent des choses plus inquiétantes, en accord avec la dualité au coeur du récit. Seize ans après L'Étrange Noël de M. Jack, Henry Selick emprunte la même voie pour mieux en dévier ensuite (avec des passages musicaux moins mémorables, certes), et les 52 millons de dollars engrangés dans le monde par sa ressortie prouvent bien que la cote d'amour de Coraline est toujours vive.
Peut-être parce qu'il possède un atout particulièrement rare qui mérite qu'on le revoie en salles, car c'est l'un des meilleurs films en 3D. Avec Voyage au centre de la Terre, sorti un an plus tôt, Coraline faisait même figure de précurseur de cette nouvelle vague qu'Avatar allait pleinement faire déferler sur les écrans, pour le meilleur (rarement) et le pire, avec des conversions bâclées en post-production dans le but de maximiser les profits quand ces séances faisaient encore l'objet d'un supplément.
En juin 2009, Coraline ne peut pas être taxé d'opportuniste sur le sujet, et ce pour deux raisons : une version en 3D de L'Étrange Noël de M. Jack est sortie trois ans plus tôt et s'est révélée convaincante ; et ce nouveau long métrage a été pensé avec la notion de relief en tête. Si le stop-motion est, de fait, plus propice à une exploitation en trois dimensions, dans la mesure où il repose sur des figurines et décors qui le sont d'emblée, l'équipe de ce conte est même allée plus loin.
Lors de son passage à Paris, pour la promotion, Henry Selick nous révélait avoir fait en sorte que les décors de l'Autre Monde soient plus profonds, de manière à créer un effet d'aspiration et accentuer l'attirance de l'héroïne pour cet univers, avant que le piège ne se referme sur elle. À moins de posséder la version 3D du Blu-Ray (et la télévision qui va avec), cet aspect est absent du petit écran. Ce qui ne gâche en rien le visionnage, mais ce petit plus justifie de retourner en salles pour fêter cet anniversaire.
Et profiter, au mieux, de ses images qui ont été restaurées alors que sa 3D a été améliorée, pour une meilleure immersion. En plus de se plonger de nouveau dans la bande-originale horrifico-féérique composée par le Français Bruno Coulais (Les Choristes), pour fêter comme il se doit la ressortie de l'un des plus grands films d'animation. Des années 2000 mais pas que.