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30 août 2023

Amélie Nothomb se livre sur le viol collectif dont elle a été victime à 12 ans

Depuis plus de 30 ans Amélie Nothomb écrit sur les monstres. Son premier roman, Hygiène de l'assassin, raconte l'histoire d'un face à face impitoyable entre une journaliste et Prétextat Tach, un écrivain aux noirs secrets, son premier monstre. L'écrivaine ressemble à un personnage échappé de ses romans. Avec un sourire solaire, cachée derrière un immense chapeau noir, elle évoque d'un ton détaché, avec élégance, son alcoolisme infantile et son goût immodéré pour les fruits pourris.

À chaque rentrée littéraire, elle est de ceux dont les lecteurs attendent le dernier opus avec impatience. Amélie Nothomb est aussi à l'aise dans la fiction pure -Acide sulfurique, Attentat, Mercure, Péplum - que dans le récit autobiographique. Dans Stupeur et tremblements - adapté au cinéma avec Sylvie Testud dans le rôle titre - elle revisite ses années japonaises. Dans Le sabotage amoureux, elle revient sur ses premiers émois. Biographie de la faim aborde pour la première fois son séjour au Bangladesh, un viol et l'anorexie qui en découle. Si, à l'époque de sa parution, l'écrivaine nie "la parfaite autobiographie", elle reconnait qu'aucun des éléments du récit n'est fictif. En cette rentrée 2023, Amélie Nothomb publie chez Albin Michel son roman Psychopompe. Ce lundi 28 août, elle était la première invitée du 9h20, le nouveau rendez-vous de Léa Salamé avec les auditeurs de France Inter.

De ce 32e opus, Amélie Nothomb déclare qu'il est "sans doute le plus douloureux et le plus intime". L’autrice de 58 ans y livre en effet deux pages bouleversantes sur le viol collectif dont elle fut victime à l'âge de 12 ans. Il s'est déroulé sur une plage du Bangladesh, où elle vivait avec sa famille, son père y était diplomate.

Face à Léa Salamé, elle raconte : "Je pars toute seule nager, et je suis déjà loin du rivage quand je sens un très grand nombre de mains qui me saisissent par en bas, qui me dépouillent de mon maillot, et qui me violent. Des mains invisibles, des êtres invisibles, j’appelle ça les mains de la mer, parce que je ne les ai pas vues. J’ai éprouvé une douleur extraordinaire, mais plus que tout, j’ai éprouvé une peur sans nom, puisque je ne voyais pas mes agresseurs." Elle reprend : "Il a fallu beaucoup de temps pour que je sois capable de hurler. Quand j’ai enfin été capable de hurler, ma mère - qui était sur le rivage avec mon père et ma sœur - est arrivée en courant, et les mains m’ont lâchée, et on a vu, peut-être 100 mètres plus loin, sortir de l’eau quatre hommes de vingt ans qui se sont enfuis et qui n’ont pas été inquiétés."

Au sortir de l'eau sa mère lâche simplement "pauvre petite". Des mots dont la sœur de Juliette Nothomb est reconnaissante. "Ça peut paraître dérisoire mais si ma mère n’avait pas dit ces deux mots-là, le silence aurait été absolu [...] Grâce aux deux paroles prononcées par ma mère, j’ai su que ça s’était vraiment passé." Et l'écrivaine de conclure : "Pendant les trente années qui ont suivi l’événement, j’en ai subi les conséquences tous les jours. J’ai failli en mourir. Mais je n’y ai pas pensé une seule fois."