Personne ne scandalisait les milieux conservateurs comme Pier Paolo Pasolini. Ce fut le cas en 1968 avec la sortie de son film Théorème qui lui vaut un procès en Italie pour "obscénité" et de nouveau, sept ans plus tard, avec le non moins connu Salò ou les 120 Journées de Sodome, fable scatophile et perverse sur l'horreur du nazisme.
Entre ces deux classiques siège Porcherie. Bien que présenté à la Mostra de Venise en 1969, le long métrage n'a pas acquis la même renommée que les deux autres titres cités. Pas de panique, il sort en salle 56 ans après sa sortie dans une version restaurée.
Porcherie n'a rien de classique. Le film suit deux histoires parallèles et étrangères l'une à l'autre. Dans la première, un homme (Pierre Clémenti), seul dans un désert volcanique, s'adonne au meurtre et à l'anthropophagie pour pallier la faim. Dans le seconde, le fils (Jean-Pierre Léaud) d'un riche industriel nazi refuse de se marier avec une jeune femme, lui préférant... les porcs.
Zoophilie, cannibalisme, fable politique et anticonformiste... Pasolini savait de nouveau provoquer le public pour mieux exorciser ses démons et pointer du doigt la société. Néanmoins, Porcherie ne fait pas l'objet d'un procès comme le film sorti avant lui. Cette œuvre fait office d'énigme et cumule les obscurités. C'est aux spectateurs que revient la tâche d'interpréter les thèmes.
Au lendemain de la première à Venise en 1969, Le Monde rapporte les paroles du réalisateur en ces termes :
"On peut dire, plus précisément, que ces œuvres [Théorème et Porcherie, ndlr] se situent dans une période allant de 1965 à 1968, que j'y ai songé avant le mouvement des étudiants, à un moment de désespoir existentiel, à un moment où il y avait une crise du marxisme et, succédant à la mort de Jean XXIII, une régression de l'Église en Italie. Porcherie, c'est vrai, est un film pessimiste mais il est né dans ce climat qui m'a d'autant plus touché que j'étais moi-même "biographiquement" malheureux."
Porcherie est bien moins graphique et violent qu'un Salò. Il n'en reste pas moins que le film continue d'interroger, passionner et déranger les spectateurs. Trois bonnes raisons de le (re)découvrir en salle, donc.