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13 février 2025

Il était une fois dans l'Ouest ressort au cinéma

Vous êtes-vous déjà demandé quel était votre western préféré ? Si oui, avez-vous trouvé la réponse facilement ? Lorsque l'on est un connaisseur du genre, l'un des plus emblématiques de l'âge d'or du cinéma hollywoodien, la réponse n'est pas aussi évidente qu'on le pense, car il embrasse tant d'époques, d'approches et de réalisateurs différents qu'il en devient difficile de mettre les films sur un pied d'égalité.

Rien que chez John Ford, il y a aussi bien le séminal La Chevauchée fantastique, qui a immédiatement iconisé John Wayne, le désabusé La Prisonnière du désert, qui nuance des codes qu'il a lui-même contribué à établir, ou le testamentaire L'Homme qui tua Liberty Valance, qui oppose légende et réalité. Mais on peut aussi leur préférer le mélange des genres et la camaraderie du Rio Bravo d'Howard Hawks, ou le crépusculaire Impitoyable de Clint Eastwood.

Et puis il y a l'Italie et ses westerns spaghettis, expression d'abord utilisée à des fins péjoratives et moqueuses alors qu'on doit quelques sommets du genre à ces productions européennes. Du côté de Sergio Leone notamment. Après des débuts dans le péplum, il change de registre avec Pour une poignée de dollars (remake du Yojimbo d'Akira Kurosawa), premier volet d'une trilogie qui culminera avec Le Bon, la Brute et le Truand et son thème musical iconique. Un bon candidat au titre de meilleur western de tous les temps, autant que son opus suivant, ressorti dans nos salles ce mercredi 12 février.

Au-delà de leur excellence et de l'identité de son réalisateur, il est d'ailleurs difficile de comparer Le Bon, la Brute et le Truand et Il était une fois dans l'Ouest. Le premier brille grâce à ses personnages fourbes et aux coups bas qu'ils se font, à ses répliques qui claquent autant que des coups de feu et son histoire épique de chasse au trésor sur fond de Guerre de Sécession, quand le second marque davantage les esprits sur le plan visuel, avec certains des plans les plus emblématiques de l'Histoire du Cinéma ou sa narration. Entre autres choses.

Car, à l'image de sa très longue scène d'ouverture, mythique, qui étire le temps et joue sur la notion d'attente, Il était une fois dans l'Ouest troque le mouvement de son prédécesseur pour une forme relative d'immobilisme. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne se passe rien pendant près de trois heures : la petite et la grande histoire entrent de nouveau en collision dans ce récit de vengeances qui se déroule pendant la Conquête de l'Ouest, alors que l'arrivée du chemin de fer provoque des question d'appropriation des terres qui se règlent de manière brutale et sanglante.

L'action reste globalement circonscrite à la même zone, et le spectateur voyage davantage dans le temps que dans l'espace, grâce aux flashbacks qui nous renseignent sur les vraies motivations des personnages, à commencer par le mystérieux Homme à l'harmonica joué par Charles Bronson, l'un des Douze Salopards du film homonyme sorti très peu de temps avant celui-ci. Ce qui n'est peut-être pas un hasard, car Sergio Leone confronte l'une des nouvelles gueules de l'époque à Henry Fonda, habitué aux rôles de héros dans les westerns hollywoodiens que le réalisateur fait passer du côté obscur, comme pour appuyer sa volonté de casser les codes manichéens du genre.

Dans le western spaghetti, et plus précisément chez Sergio Leone, il n'y a pas vraiment de méchants et de gentils, et les personnages sont aussi sales que leurs tenues sont maculées de sueur et de poussière. Quand elles ne sont pas imbibées de ce sang que le réalisateur regrettait de ne pas voir dans les productions hollywoodiennes, malgré le nombre de blessures par balle. Dans sa manière de lier le destin violent des protagonistes à celui de l'Amérique, le cinéaste nous offre une vision plus brute, réaliste et machiste (malgré le rôle important tenu par Claudia Cardinale ici) de la Conquête de l'Ouest, alors que le dernier plan, qui montre que rien ne pourra empêcher l'arrivée du chemin de fer, a des allures de fin d'une époque.

Cela explique le côté définitif de ce film, que l'on pourrait qualifier de "magnum opus" de son auteur s'il n'y avait pas eu Il était une fois en Amérique ensuite. Celui-ci n'en reste pas moins monumental et personnel. Peut-être trop pour un néophyte, à qui l'on déconseille de se frotter au western en commençant par ce film dénué d'une trame narrative classique et qui raconte davantage par l'image que par les mots, en allant à l'encontre des codes du genre (plus encore que dans ses longs métrages précédents).

Un anti-western, qui dilate le temps à l'envi et dont la force paraît encore plus grande quand on connaît les clichés auxquels il tord le cou avec aussi peu de pitié que ses personnages. Ce qui peut aussi expliquer son échec en salles aux États-Unis (pas en France, où il rassemble 14,9 millions de spectateurs), à la fin des années 60, heureusement contrebalancé par la place qu'il occupe désormais au panthéon du 7ème Art.

Point de cow-boys rieurs aux dents blanches ou d'Indiens qui encerclent une diligence ici, non. Mais une vision réaliste de l'époque par des cinéastes qui ne cherchent pas à embellir l'Histoire de l'Amérique en la réécrivant en studio. Il faut donc se familiariser un peu avec le western, avant de se poser face à celui-ci, pour mieux apprécier sa grandeur et son côté opératique. Car il ne faut pas oublier l'un des grands noms du western spaghetti : le compositeur Ennio Morricone. Le thème chantant de Mon nom est personne, c'est lui. Celui du Bon, la Brute et le Truand aussi. Avec Il était une fois dans l'Ouest, il va encore plus loin et en créé un par personnage : Harmonica, Frank et Jill.

La musique accentue la grandeur de l'ensemble et participe à son identité, en plus de rappeler à quel point elle peut élever un film quand elle se met au diapason de la mise en scène. Ce qui est le cas ici, à la fin, lorsque le passé et le présent, les destins d'Harmonica et Frank et leurs thèmes musicaux respectifs se rejoignent dans une séquence inoubliable en forme de ballet, avec les gros plans sur les regards qui constituent l'une des signatures de Sergio Leone, et dont le degré de maestria n'a d'égal que celui de l'ouverture. Le défi, pour qui a vu le long métrage, est de voir un harmonica sans avoir l'air composé par Ennio Morricone en tête (spoiler : c'est quasi impossible).

Nous pourrions passer des heures à détailler ce qui fait la grandeur d'Il était une fois dans l'Ouest, mais le mieux est encore de le (re)voir. Et quoi de mieux qu'une ressortie en salles pour apprécier l'immersion qui nous est offerte par Sergio Leone ? Ne serait-ce que pour déterminer s'il s'agit, oui ou non, du meilleur western de l'Histoire du Cinéma. 

Mais une chose est certaine : c'est sans aucun doute le plus massif et grandiose. Il se situe dans le très haut du panier, et fait même partie des plus grands films de tous les temps, tous genres confondus, alors que sa bande-originale figure parmi les plus iconiques et immédiatement reconnaissables.