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27 juillet 2023

Le film Portier de nuit ressort au cinéma

Réalisé par Liliana Cavani en 1974, Portier de nuit est ressorti au cinéma le 26 juillet dans une version restaurée grâce à Carlotta Films. Cette rareté qui nous vient d'Italie nous transporte à Vienne en 1957.

Max travaille comme portier de nuit dans un grand hôtel. Un jour débarque Lucia, en voyage avec son mari chef d’orchestre. Lorsque leurs regards se croisent, les souvenirs remontent immédiatement à la surface.

Ancien officier S.S., Max a entretenu avec Lucia une relation sadomasochiste alors qu’elle était prisonnière dans un camp de concentration. Entre l’ancien bourreau et sa victime, la passion va bientôt ressurgir.

Portée par Dirk Bogarde et Charlotte Rampling, cette œuvre a réuni 1,3 million de spectateurs en France à sa sortie en avril 1974. D'après la chercheuse en cinéma anglophone Elsa Colombani, Portier de nuit occupe une place de choix "dans l'histoire des grands scandales du septième art."

En effet, le film a suscité une vive polémique à son époque. La relation sadomasochiste dépeinte entre la victime et son bourreau a soulevé une controverse. "Le traitement du personnage féminin, présenté comme une « victime consentante », et son esthétisation des horreurs nazies" ont notamment été mis en cause, explique Elsa Colombani.

Selon l'universitaire, la controverse s'incarne tout entière "dans la fameuse séquence où Charlotte Rampling, en pantalon à bretelles et seins nus, interprète pour ses tortionnaires un numéro de cabaret, une casquette SS vissée sur la tête."

Les flash-backs, très dérangeants, ponctuant le récit de Portier de nuit, explorent la relation sadomasochiste entre Max et Lucia. La réalisatrice subvertit la vision traditionnelle de la victime et du bourreau en illustrant à sa façon ce qu'on appelle le syndrome de Stockholm.

Théorisé en 1973 par le psychiatre suédois Nils Bejerot, il s'agit d'un phénomène psychologique observé chez des otages et des victimes ayant vécu pendant une période plus ou moins longue avec leurs geôliers ou leurs bourreaux, développant une sorte d'empathie vis-à-vis de ces derniers, selon des mécanismes complexes d'identification et de survie.

La cinéaste Liliana Cavani, aujourd'hui âgée de 90 ans, s'était imposée dans les années 60 et 70 comme une des rares réalisatrices de son époque. Fille de résistants et farouchement antinazi, elle est connue pour avoir mis en scène des documentaires sur la Seconde Guerre mondiale. On lui doit également les très remarqués Les Cannibales (1970), La peau (1981) et Francesco (1989).

Sorti dans un contexte historique tendu en Italie, celui des "années de plomb", Portier de nuit a été censuré et interdit aux moins de 16 ans au pays de Dante. Aux Etats-Unis, il a été purement et simplement classé X. En France, "l'émoi est moindre", selon Guillaume Evin, auteur de Quel scandale ! 80 films qui ont choqué leur époque.

"La scène de sodomie entre deux officiers S.S. ne l'a manifestement pas heurtée. L'opus circule donc librement, bien que certains ne se privent pas de le vilipender", explique-t-il.

Contestataire et très portée sur la satire politique, Liliana Cavani a bousculé les codes avec cette œuvre dérangeante et provocante. La réalisatrice se place dans la lignée d'autres auteurs italiens sulfureux de l'époque comme Pier Paolo Pasolini, Michelangelo Antonioni, Ettore Scola, Marco Ferreri, Elio Petri ou Bernardo Bertolucci.

Par ailleurs, ces cinéastes, ainsi que Luchino Visconti, ont signé une lettre de protestation adressée à la Commission de censure italienne afin de soutenir le film. Pour Elsa Colombani, Liliana Cavani s'est placée ouvertement dans la lignée des Damnés (1969) en mettant en scène Portier de nuit.

"D'abord, en choisissant les mêmes acteurs que Luchino Visconti pour incarner son couple maudit : Dirk Bogarde et Charlotte Rampling, qui furent tous deux éprouvés par leurs rôles et le tournage du film. Puis, dans la représentation de l'idéologie nazie à travers une décadence et un érotisme morbide", analyse la chercheuse.

"Portier de nuit deviendra à son corps défendant un genre en soi, drainant à sa suite un sous-filon nazi porno", confie l'auteur Guillaume Evin. "Si les années ont passé, l'aura sulfureuse de Portier de nuit n'est, elle, pas près de se dissiper", martèle de son côté Elsa Colombani.