Notamment connu pour avoir signé L'Ours et la poupée ou encore Péril en la demeure (qui lui avait valu le César du Meilleur réalisateur en 1986), le metteur en scène français Michel Deville s'est éteint ce jeudi 16 février à l'âge de 91 ans.
Ancien assistant d'Henri Decoin, Michel Deville commence à réaliser des films en pleine Nouvelle Vague (à laquelle il n'appartiendra pas). Après Une Balle dans le canon, premier film policier cosigné par Charles Gérard, il signe Ce soir ou jamais (1961) avec la scénariste Nina Companeez. C'est le coup d'envoi d'une collaboration privilégiée qui s'étalera sur 11 films et durera jusqu'en 1971, donnant une véritable unité de ton à la première partie de l'oeuvre de Deville.
Tous deux façonnent des comédies brillantes et pleines de fantaisie, qui sont autant de variations sur les émois sentimentaux et érotiques de jeunes gens ; Adorable Menteuse en 1962, A cause, à cause d'une femme l'année d'après, ou encore Benjamin ou les Memoires d'un puceau en 1968. L'équilibre y est tenu entre le versant ludique de Deville et le marivaudage moraliste propre à Campanéez. Lorsque l'univers de Deville prend le dessus dans la collaboration, cela donne Bye bye, Barbara (1969), film aux ruptures de ton insolites et aux digressions déroutantes. Lorsque c'est l'inverse, cela donne Raphaël ou le débauché (1971).
Sans sa scénariste fétiche, Deville adopte un ton plus âpre. Le Dossier 51 (1978), où il s'interroge de manière implacable sur la manipulation et joue sur l'ambiguïté des êtres, marque une charnière dans son cinéma qui va se diversifier en chevauchant les genres. Avec Eaux profondes (1981) il analyse avec une grande finesse les jeux pervers et meurtriers du couple Trintignant-Huppert.
Il poursuit sa peinture de la perversion dans Péril en la demeure (1985), film labyrinthique où se côtoient femmes fatales, bourgeois calculateurs et fausses ingénues, qui lui vaut le César du Meilleur réalisateur. Mais il tempère son pessimisme par le plaisir de filmer et de jouer avec les mots, comme le démontre un an après l'éblouissant Paltoquet.
Dans La Lectrice, il manie encore cette étrangeté de ton par laquelle il se livre à une peinture acide de son temps (qu'on retrouvera dans Toutes peines confondues en 1992, ou La Divine poursuite en 1997). En 2002, il traite de la France de Vichy dans Un monde presque paisible. En 2005, Michel Deville revient dans un registre plus léger avec Un fil à la patte, pièce comique et vaudevillesque de Georges Feydeau, adapté par sa femme et collaboratrice Rosalinde Deville, qui traite entre autres du désir, du plaisir et de l'argent.