Supercalifragilisticexpialidocious n'est pas le mot en cause. Le classement du film Mary Poppins de 1964 vient d'être officiellement revu au Royaume-Uni en raison d'un "langage discriminatoire". Le British Board of Film Classification a décidé de faire passer la classification du classique de Disney de "U" (Universal), accordé aux films tout public ne contenant "aucun élément susceptible d'offenser ou de nuire", à PG (Parental Guidance), l'équivalent de notre "Accord parental souhaitable", en raison d'un dialogue jugé "discriminatoire".
27 février 2024
05 janvier 2024
L'actrice Glynis Johns, vue dans Mary Poppins, est décédée à l'âge de 100 ans
Glynis Johns est décédée jeudi 4 janvier à 100 ans, a annoncé son agent Mitch Clem au Hollywood Reporter. Son rôle le plus connu internationalement est celui de Mrs Winifred Banks, maman de Jane et Michael Banks, mariée à George W. Banks dans le célèbre film Disney Mary Poppins. Elle y incarne une mère au foyer décalée et engagée, puisque Suffragette réclamant le vote des femmes et remettant à son mari les pieds sur terre lorsqu'il s'emballe.
Actrice mais aussi chanteuse, elle avait été nommée à l'Oscar de la Meilleure actrice dans un second rôle pour Les Horizons sans frontières de Fred Zinnemann.
Glynis Johns avait commencé sa carrière en 1938 à l'âge de 15 ans, et gravit rapidement les échelons. En 1946, elle obtient son premier rôle marquant dans This Man Is Mine et obtient le succès avec Frieda (1947) et Miranda (1948), dans lequel elle interprète une sirène ! Un type de rôle surprenant, mais qu'elle retiendra dans Folle des hommes des années plus tard.
A l'époque, son image est très "glamourisée" et rendue exotique dans des films d'aventures comme Moana, fille des tropiques ou Le Vagabond des îles. On retiendra plus volontiers sa prestation dans Filles sans joie, film carcéral sorti durant la première moitié des années 50.
Outre Mary Poppins, elle tournera pour Disney Echec au roi et La Rose et l'épée, deux films d'époque.
Sa carrière ne retrouvera jamais le succès de ses débuts, et elle tournera alors beaucoup à la télévision, notamment dans Batman dans laquelle elle interprète une super-vilaine cambrioleuse à quatre reprises, mais aussi Arabesque ou La Croisière s'amuse.
En 1999, elle joue son dernier rôle à l'écran dans la comédie Superstar avec Molly Shannon et Will Ferrell. A 76 ans, elle annonce mettre fin à sa carrière. Elle était devenue la doyenne du cinéma.
30 décembre 2021
Disney : l'invraisemblable bataille judicaire autour de Mary Poppins
Qui ne connait pas la nurse Mary Poppins, "pratiquement parfaite en tous points" ? Porté par Julie Andrews et sorti en 1964, le film de Robert Stevenson, à l'époque le plus cher jamais produit par Disney, est un classique absolu du cinéma américain.
Placé 6e dans le classement des 25 plus grands films musicaux du cinéma américain dressé par l'American Film Institute en 2006, Mary Poppins fut couronné par cinq Oscars, et fut même cité à l'Oscar du Meilleur film. Une grande première pour le studio aux grandes oreilles.
Côté coulisses, la création du film fut houleuse, entre les difficultées liées à la création des effets spéciaux, les tensions entre Walt Disney et l'auteure P.L. Travers, la créatrice du personnage, qui n'avait nullement envie de voir son oeuvre dénaturée "par un faiseur de dessins animés". Cette relation orageuse fut d'ailleurs racontée (mais sensiblement atténuée, Disney oblige...) dans le bon film Dans l'ombre de Mary - la promesse de Walt Disney, en 2014.
En fait, la connection de l'auteure avec son histoire était telle que P.L. Travers, qui s'estima offensée par le film, refusa que quiconque touche l'histoire de Mary Poppins jusqu'en 1994. Elle exigea même dans son testament que ni les frères Sherman, compositeurs du livret musical du film, ni aucune autre personne ayant travaillé sur le film, ne puissent être impliqué sur une éventuelle mise en scène future sur les planches de son oeuvre...
Au-delà des contentieux autour de l'auteure de l'histoire de Mary Poppins, une autre bataille acrimonieuse s'est livrée, peut-être moins connue, mais dont les enjeux financiers se sont comptés en millions de dollars. Et pas pour n'importe quoi : la bataille tourna autour du fameux "supercalifragilisticexpialidocious !" lâchée par Julie Andrews avec une facilité déconcertante lors d'une des plus mémorables chansons du film.
Dans un entretien avec un journaliste du Boston Globe en 2012, le compositeur et parolier Richard M. Sherman, alors âgé de 83 ans, s'était exprimé à ce sujet. "Tout est venu de l'époque où nous étions jeunes, dans un petit coin du nom de Camp Equinunk, en Pennsylvanie en 1937. Tout le monde inventait des mots à doubles sens complètement fous, y compris mon frère Bob et moi-même.
Avec leur doubles sens, ils s'inscrivaient dans une belle tradition américaine consistant à concocter des mots à partir de syllabes absurdes. On essayait de faire un mot plus long que "antidisestablishmentarianism", qui était alors le mot le plus long dans un dictionnaire [NDR : un mot évoquant la position politique favorable au maintien du statut officiel de l'Église anglicane comme religion d'État en Angleterre]".
Richard M. Sherman précise ensuite avoir oublié avec son frère ce mot durant près de 25 ans, jusqu'à ce que les deux travaillent sur le répertoire musical du film Mary Poppins. Pour la séquence où les enfants Banks sautent avec Mary Poppins dans un dessin fait à la craie par Bert / M. Dawes (Dick Van Dyke), les frères Sherman eurent alors l'idée de faire prononcer à Mary Poppins un mot "complètement fou". En repensant à leurs souvenirs de jeunesse, ils se remémorèrent alors leurs jeux de mots à rallonge de Camp Equinunk de 1937.
Lorsque le film est sorti en 1964 et fit un triomphe, les ennuis commencèrent... Il se trouve qu'en 1951, une chanson intitulée "Supercalafajalistickespeealadojus", très proche donc du fameux mot prononcé dans le film, était sortie.
Les compositeurs de celle-ci, Barney Young et Gloria Parker, attaquèrent Disney en Justice, réclamant 12 millions de dollars de dommages et intérêts pour violation de copyrights. Dans leur plainte, ils précisaient qu'ils avaient même travaillé dès 1949 à leur chanson, et que Barney Young avait eu l'idée de ce mot en 1921, durant sa jeunesse.
Pour ne rien arranger, Barney Young affirma avoir envoyé sa chanson à Disney dès 1951, et que le studio lui aurait promis de l'utiliser. En vain... Gloria Parker soupçonna les frères Sherman d'avoir entendu leur chanson lors d'un concert qu'elle donnait avec son orchestre, dans un hôtel à New York.
De son côté, Richard Sherman affirma que lui et son frère n'avaient évidemment jamais entendu parler de la chanson précédente. "Dieu m'en est témoin, je n'ai jamais entendu parler de cette chanson. Jamais, jamais.Tout ce que je savais, c'est que j'avais entendu un mot similaire des années auparavant quand j'étais enfant".
Il fit valoir ce point dans une déposition effectuée pour le procès en 1965. Le bataillon d'avocats de Disney se mis en ordre de marche en alignant des experts, pour prouver non seulement que les deux chansons étaient musicalement différentes, mais aussi que le mot "super" était d'usage courant avant la chanson de 1949.
Wilfred Feinberg, le juge en charge du dossier à la Cour du District de New York, sans doute un brin agacé, écrivit dans son jugement que toutes ces variantes de langue concernant l'objet du litige seraient désormais référencées sous l'appellation générique "The Word"; notant au passage que le mot était déjà en usage dans les années 1930. Ajouté à cela les vraies différences musicales entre les deux chansons, et l'affaire semblait donc entendue. Quoique pas tout à fait; en tout cas formellement.
Peu de temps après le jugement, un bibliothécaire chez Disney mis la main sur LA preuve absolue de l'antérorité du mot "super" face à la réclamation des plaignants. Il trouva ainsi dans un journal étudiants de l'Université de Syracuse, daté du 10 mars 1931 (oui, c'est précis !), un mot écrit ainsi : "supercaliflawjalisticexpialadoshus".
Un mot d'ailleurs tellement invraisemblable que le journaliste du Boston Globe a vérifié son authenticité en allant lui-même mettre la main sur un exemplaire de ce journal dans les archives. Depuis, sa variante made in Disney, "supercalifragilisticexpialidocious" donc, est entré dans le prestigieux dictionnaire Oxford de la langue anglaise, qui fait autorité. Une victoire judiciaire et linguistique, pour la postérité.
16 décembre 2021
Le parapluie de Mary Poppins est porté disparu
Il est souvent passionnant, pour ne pas dire toujours, de se plonger dans les archives d'un studio. Des malles aux trésors regorgeant de pépites en tous genres. Et dans ce registre, Dave Smith est une légende.
Cet américain, décédé en 2019, fut le fondateur et directeur des Walt Disney Archives. Débutant à son poste en 1970, quatre ans après le décès de l'iconique bâtisseur de l'empire portant son nom, Smith a assuré avec un zèle et une minutie d'horloger suisse son immense tâche d'archivage des documents ou éléments entourant les créations des œuvres chez Disney. Et il fut également l'auteur de plusieurs livres sur le sujet, qui font autorité.
Si le studio, comme d'autres d'ailleurs, conservait de nombreux documents et objets de tournages au fil des ans, la tenue des registres sur ce point laissait malgré tout à désirer : certains accessoires, mal identifiés, n'étaient tout simplement pas gardés ou perdus, sans que quiconque s'en émeuve.
Dans un très intéressant billet, un journaliste du site Cinemablend raconte s'être récemment entretenu avec l'archiviste en chef actuel chez Disney, Beck Cline. Et l'intéressée de livrer cette étonnante anecdote : elle rêverait de mettre la main sur un accessoire iconique du film Mary Poppins, désormais introuvable : le fameux parapluie avec son manche en forme de tête de perroquet, qu'emporte partout avec elle la plus adorable des nounous.
"Personne ne sait où est le parapluie perroquet original de Mary Poppins. C'est donc quelque chose que je pense être assez emblématique, et que nous aimerions trouver". Si cet accessoire existe encore, il pourrait tout aussi bien se trouver quelque part dans un grenier, chez un collectionneur privé, ou plus tristement être détruit...
Une éventualité d'autant plus plausible, aux dires de l'archiviste, qu'elle ajoute : "au fil des ans, les costumes ont été loués ou détruits, devenus vieux et inutilisables. Des choses comme ça. Je n'ai pas la possibilité de partir à la chasse au trésor aussi souvent que je le voudrais.
Mais nous gardons un œil ouvert sur les choses qui sont vendues aux enchères pour voir s'il y a quelque chose d'important dans l'Histoire de l'entreprise. Et si je peux me le permettre, il y a beaucoup de collectionneurs très riches. [...] Dans le passé, ils nous ont aussi prêté des choses pour des expositions. Alors parfois, il est important de savoir où l'objet se trouve".
On pourra toujours se consoler en se disant que, parfois aussi, des miracles arrivent, avec des découvertes complètement folles. En juin 2021, on a retrouvé, 40 ans après avoir perdu sa trace, la robe de Judy Garland, qu'elle portait dans le Magicien d'Oz.
Cette légendaire tenue au motif Vichy a été retrouvée, tenez-vous bien, dans une benne à ordures de l'Université catholique de Washington ! Elle fut donnée en 1972 à l'Université par l'actrice Mercedes McCambridge. Entre les rangements et travaux successifs au fil des décennies, et avec une grande négligence, la robe était devenue introuvable.