Combien de millions va faire perdre Joker : Folie à deux à la Warner ? Il est encore trop tôt pour mesurer les conséquences de son flop, mais au moment où nous écrivons, le film de Todd Phillips avec Joaquin Phoenix et Lady Gaga n’a rapporté que 56 millions de dollars aux USA (pour un total mondial de 190 millions), alors qu’il aurait coûté près de 200 millions… On est loin du milliard de dollars rapporté par le premier Joker en 2019. Un flop, donc, et certains sonnent l’alarme : des journalistes estiment que cet échec pourrait sonner le glas à Hollywood des "blockbusters d’auteur", des films à gros budget sur lesquels les cinéastes ont un contrôle créatif réel. Mais Denis Villeneuve n’est pas d’accord. Rencontré par Première à Paris la semaine dernière, juste après avoir reçu la médaille de Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres par la Ministre Rachida Dati, le réalisateur des deux Dune, exemples parfaits de "blockbusters d’auteur", se dit optimiste.
"Dans l’histoire du cinéma, il y autant d’échecs que de réussites. Ça fait partie du jeu, le cinéma n’est pas une sphère d’activité très stable. Chaque film est un pari, un risque. L’année dernière, avec les succès de Barbie et Oppenheimer, les gens parlaient de la renaissance du blockbuster d’auteur, et là à cause de Joker 2 ce serait sa mort ? Non, non, non… Je ne suis pas du tout inquiet", nous raconte le cinéaste. "C’est la nature de la bête : il y a une part de risque, mais c’est justement là que le jeu en vaut la chandelle. Les grandes réussites sont toujours issues de nouvelles visions. Je ne crois pas que Los Angeles puisse se passer du cinéma d’auteur : c’est la source..."
Joker : Folie à deux n’est pas le seul exemple d’échec de film d’auteur coûteux en 2024 aux USA : on peut aussi ajouter le premier volet d’Horizon de Kevin Costner et Megalopolis de Francis Ford Coppola à la liste des victimes. "C’est malheureux, mais quand un cinéaste fait un film qui ne fonctionne pas, qui ne rencontre pas son public ou qui est mal reçu par la critique, c’est mauvais pour tout le monde", ajoute Villeneuve. "Sincèrement, on aurait tous aimé que Coppola triomphe, que son film soit magnifique… On veut que les gens réussissent parce que plus ça fonctionne, mieux ça va !"
Si le réalisateur du Parrain a soutenu Todd Phillips via un message Instagram, l’enjeu est tout de même différent de celui de Joker, puisque Costner et Coppola ont produit leurs films avec leurs propres deniers pour les créer comme ils le désirent. Quand on parle de blockbuster d’auteur, "il y a un rapport au contrôle, mais aussi à la contrainte", explique Villeneuve. "Je pense que les cinéastes ont toujours eu leur créativité plus stimulée avec un cadre. Être complètement libre, ça doit être effrayant ! Il y avait aussi une pression financière sur Apocalypse Now, qu’il n’y avait pas sur Megalopolis, à mon avis. Megalopolis est un film "libre", en quelque sorte..."
Ceci dit, Denis admet qu’il n’a vu ni Megalopolis, ni Horizon, mais il nous précise qu’il veut "absolument" les voir sur grand écran. Sans oublier d'aller retourner bosser sur Arrakis : Villeneuve est en pleine préparation de Dune Messiah, son troisième et dernier film Dune qui conclura la saga de Paul Atréides.