En 1993, Hollywood est le théâtre d’un duel inattendu. Deux westerns, deux visions d’un même mythe, et une seule place au soleil : celle réservée à la légende de Wyatt Earp, figure emblématique du Far West. D’un côté, Tombstone. De l’autre, Wyatt Earp. Et au milieu, une rivalité artistique et commerciale intense.
Tout commence avec Tombstone, un scénario signé Kevin Jarre, qui imagine Kevin Costner dans le rôle-titre. Le film devait retracer l’affrontement légendaire de l’OK Corral, épisode fondateur de la mythologie de Wyatt Earp. Mais Costner voit plus grand. Il rêve d’un biopic épique, retraçant la vie entière du célèbre marshal, de son enfance jusqu’à sa mort. Il quitte donc le projet initial et lance sa propre production : Wyatt Earp, réalisé par Lawrence Kasdan.
Kevin Jarre, lui, n’abandonne pas. Il trouve en Kurt Russell son nouvel Earp, et réunit autour de lui un casting solide : Val Kilmer en Doc Holliday, Sam Elliott, Bill Paxton… Le tournage peut commencer.
Le problème ? Jarre, bien qu’excellent scénariste, n’a jamais dirigé un film. Rapidement dépassé, il est écarté. Kurt Russell, très impliqué dans la production, décide alors de reprendre officieusement les commandes du tournage. Il racontera plus tard qu’il a dirigé Tombstone dans l’ombre, sans jamais apparaître officiellement en tant que réalisateur.
Pour donner une façade crédible à cette réalisation secrète, Russell fait appel à George Pan Cosmatos, connu pour avoir épaulé Sylvester Stallone sur Rambo II.
“Il nous fallait un réalisateur fantôme. Ils voulaient que je prenne les rênes du film. J’ai répondu : ‘Je vais le faire, mais je ne veux pas que mon nom apparaisse’”, déclarera plus tard Kurt Russell. “J’ai appelé Sly en lui disant que j’avais besoin d’un type. Sly avait fait la même chose sur Rambo 2, avec George. J’ai donc dit à George : ‘Tant que tu es en vie, George, je ne dirais rien.’”
Cosmatos est décédé en 2005. Grâce à cette couverture, le tournage peut se poursuivre. Russell va même jusqu’à sacrifier certaines de ses scènes pour équilibrer le film et mettre en valeur ses partenaires.
Pendant ce temps, Kevin Costner, en pleine gloire post-Danse avec les loups, met tout en œuvre pour faire de son Wyatt Earp le seul western sur le marché. Il utiliserait même, selon certaines sources, son influence pour bloquer l’accès de Tombstone aux principaux distributeurs. Kurt Russell affirme même que Costner aurait monopolisé les costumes western disponibles à Hollywood pour freiner la production concurrente.
Privé de soutien, Tombstone trouve finalement refuge chez Buena Vista (Disney), qui décide de le sortir discrètement le 25 décembre 1993. Face à une concurrence féroce (Philadelphia, Les Grincheux...), le film tient bon et engrange plus de 73 millions de dollars pour un budget de 25 millions. Un joli succès.
Six mois plus tard, Wyatt Earp arrive sur les écrans, avec ses trois heures de projection et ses grandes ambitions. Malgré là aussi une belle distribution composée de Dennis Quaid, Gene Hackman, Jeff Fahey, Mark Harmon, Michael Madsen, Catherine O’Hara, Bill Pullman, Isabella Rossellini ou encore Tom Sizemore, le public ne suit pas. Le film rapporte 56 millions de dollars, pour un budget de 63 millions : une défaite cinglante pour Costner.
Ironie du sort, le projet suivant de l’acteur, Waterworld, fera à son tour couler beaucoup d’encre, cette fois pour de toutes autres raisons.








