Après le désastre critique et commercial de son film Showgirls, qui a tué la carrière d'Elizabeth Berkley, Paul Verhoeven signe deux ans plus tard, en 1998, Starship Troopers. C'est peu dire qu'au moment de sa sortie, l’ironie mordante et féroce du film, son discours satirique et anti-militariste, ne furent pas détectés par tous ses spectateurs, même professionnels.
Parmi la critique, certains évoquèrent même un film fascisant, sans relever le traitement appliqué par Paul Verhoeven à son sujet (et sans se souvenir de son tempérament de cinéaste...). Le New York Times parla même d'un film "dérangé et horrible"...
La sanction fut d'autant plus lourde que, doté d'un budget de production de 105 millions de dollars, soit le plus important dont ait jamais disposé le cinéaste, Starship Troopers n'en rapporta que 54 millions sur le territoire américain, et à peine 121 millions au box office mondial.
Echaudé par ces deux douloureux échecs successifs, Verhoeven a besoin d'un succès commercial. Lorsque Sony Pictures lui propose quelques jours après l’abandon du projet qu'il développait sur le fameux illusionniste Harry Houdini de tourner un autre script, intitulé Hollow Man : L’Homme sans ombre, le réalisateur accepte pour des raisons pragmatiques. Il n’a pas de "projet de rêve" en vue, et celui-ci lui permettra au moins de travailler à nouveau.
Cette nouvelle variation autour de L'homme invisible sera donc un pur film de commande; mais le cinéaste n'est pas plus enthousiaste que cela, comme il l'a confié au Volkskrant Magazine dans un entretien publié en septembre 1999.
"Je ne fais pas du tout le film que je voudrais faire. Cela me semble clair. Je fais les films que je peux faire. Hollow Man a pour sujet l’homme invisible. On m’a demandé de réaliser ce projet […]. Nous essayons d’en tirer le meilleur, mais on ne peut pas dire que je me réveille la nuit dans mon lit en m’écriant : "Waouh !"
Loué par certains critiques pour la qualité de ses effets spéciaux qui vaudront d'ailleurs au film une citation à l'Oscar, Hollow Man est en revanche pas mal égratigné sur son scénario. "Malgré une richesse d’effets spéciaux et la direction de Paul Verhoeven – M. Au-dessus-du-lot en personne –, ce film reste étonnamment terne" écrivait le Los Angeles Times. Le Boston Globe lâchait quant à lui ce commentaire peu amène : "S’il n’y avait eu la télévision par câble et le circuit vidéo, Hollow Man serait resté invisible".
Le film récoltera un peu plus de 190 millions de dollars au box office international; pas exactement un triomphe au regard des 95 millions de dollars de budget. Des résultats extrêmement mitigés qui seront toutefois largement contrebalancés par l'énorme succès du film sur le circuit locatif et achat en DVD ainsi que les diffusions TV, qui rapportera plus de 150 millions de dollars à Sony.
Reste que Hollow Man a été une expérience artistique frustrante pour Verhoeven, lâchant ces considérations au micro du Hollywood Reporter en avril 2013. "Après Hollow Man, j'ai décidé que c'était le premier film que j'avais réalisé et que je n'aurais pas dû faire. Il a rapporté de l'argent, etc., mais ce n'est vraiment plus moi.
Je pense que beaucoup d'autres personnes auraient pu le faire. Je ne pense pas que beaucoup de gens auraient pu réaliser Robocop de cette manière, ni Starship Troopers. Mais pour Hollow Man, je pense qu'il y avait peut-être 20 réalisateurs à Hollywood qui auraient pu le faire. Je me suis senti déprimé après 2002".
Hollow Man sera le dernier film de la période américaine de Paul Verhoeven, qui reviendra dans son pays natal pour y signer un très grand film en 2006, Black Book.
