Vienne, au début des années 1980. Artiste indépendante et mère célibataire, Perla s’est construit une nouvelle vie avec Josef, son mari autrichien, et Júlia, sa fille. Mais le jour où Andrej, le père de Júlia, sort de prison et tente de reprendre contact, le passé ressurgit. Poussée à retourner en Tchécoslovaquie communiste qu’elle avait quittée, Perla entreprend un dangereux voyage, quitte à mettre en péril son avenir et celui de sa fille.
Perla s’impose comme un drame à double lecture : intime, par le prisme de la maternité, du couple, de l’identité ; et politique, en explorant les conséquences d’un régime autoritaire sur les trajectoires personnelles de ses citoyens. La cinéaste slovaque et autrichienne Alexandra Makarová tisse ici un récit où les émotions s’entrechoquent aux contraintes sociales et historiques. Sans jamais céder au didactisme, le film met en lumière la difficulté d’être une femme et une artiste dans un monde régi par des structures patriarcales. Perla rappelle aussi que, parfois, l’exil ne résout pas tout.
Pour incarner Perla, la réalisatrice a choisi Rebeka Poláková, comédienne slovaque au jeu brut et nuancé. Venue du théâtre et non germanophone, elle a sû relever le défi en apprenant ses dialogues phonétiquement. Ce décalage nourrit d’ailleurs le trouble du personnage, à la fois opaque et puissamment déterminé. La comédienne donne à Perla une présence magnétique qui fait résonner toute la complexité de cette femme ni héroïque ni lisse, mais foncièrement libre. À travers elle, le film esquisse aussi un récit puissamment féministe : celui d’une femme qui cherche à se réapproprier son histoire, à s’émanciper des hommes qui l’entourent et, plus largement, à s’affranchir des choix qu’une société patriarcale a tenté de lui imposer.
Le personnage de Perla est très souvent enfermé dans un cadre resserré, à l’image de sa réalité oppressante. La caméra cherche des angles discrets, capte les reflets, filme les portes entrouvertes dans une volonté d’accentuer l’idée d’un passé toujours présent et d’une mémoire visuelle collective teintée de nostalgie. Une scène marquante, inspirée d’un rituel patriarcal, fait basculer le film dans une ambiance quasi cauchemardesque : symbole d’une violence structurelle que Perla ne pourra plus ignorer.
Au cœur du film, la relation mère-fille incarne les traces laissées par les choix passés. Júlia hérite malgré elle des décisions de Perla, et devient le miroir d’une génération prise entre deux mondes. Le personnage de Perla est peintre : ses toiles, qui sont les véritables œuvres de la mère de la cinéaste, traduisent un besoin d’expression dans un monde qui cherche à la faire taire.
On a voulu lui dicter sa vie : se taire, rester, se sacrifier - pour sa fille, pour son mari, pour la société. Mais Perla a toujours refusé de s’enfermer dans un rôle : elle n’est pas seulement mère ou épouse, elle est aussi artiste. Dans une époque fermée par la censure, elle affirme sa voix, coûte que coûte, et reprend en main un destin qu’on a tenté de lui arracher, à elle comme à tant d’autres femmes.
Conçu dans le cadre du programme d’écriture de scénario destiné aux autrices “If she can see it, she can be it”, Perla est une ode à toutes celles qui, comme son héroïne, refusent de se laisser enfermer. En rendant hommage aux femmes de sa lignée, la réalisatrice construit ainsi un pont entre passé et présent, et signe une œuvre universelle. Un récit de résistance douce, de courage silencieux et d’une force rare.
Émouvant et engagé, Perla est à découvrir en salle dès maintenant.