Il est des concours de circonstances parfois troublants. Vendredi 23 mai, le festival de Cannes rendait hommage à Mohammed Lakhdar-Hamina, cinéaste algérien et seul lauréat africain de la Palme d’or, qu'il avait remporté en 1975 pour son extraordinaire film, Chroniques des années de braise, présenté en version restaurée dans le cadre de Cannes Classic. Le réalisateur est décédé ce même jour, à l'âge vénérable de 95 ans.
La famille du réalisateur a indiqué dans un communiqué qu'il s'est "éteint à son domicile algérois, à l'âge de quatre-vingt-quinze ans, laissant derrière lui un héritage cinématographique inestimable", saluant "sa vision unique qui a marqué l'histoire du cinéma". Un réalisateur qui a su dresser un "véritable pont culturel entre le Sud et l'Occident, devenant ainsi la voix du tiers monde et de son pays pendant près de quarante ans".
Le président de l'Algérie, Abdelmadjid Tebboune, a adressé un message de condoléances à la famille. "Avant d'être un réalisateur créatif mondial ayant laissé une empreinte indélébile dans l'histoire du cinéma mondial, c'était un moudjahid [combattant] digne, ayant contribué à la libération de son pays à travers des images et des scènes qui ont fait connaître à l'humanité les héroïsmes de la glorieuse révolution de libération" a-t-il écrit.
Né à M'sila dans l'Aurès (situé au nord-est de l'Algérie), Mohammed Lakhdar-Hamina était le fils de modestes paysans. Après une école d'agriculture, il avait étudié en France, à Antibes. Pendant la guerre d'Algérie, son père fut enlevé, torturé et tué par l'armée française. Lui-même fut appelé en 1958, mais avait rejoint à Tunis la résistance algérienne.
Autodidacte, Mohammed Lakhdar-Hamina a appris le cinéma sur le tas. Après quelques courts métrages, il entame sa carrière de réalisateur en 1964 avec un documentaire, Mais un jour de novembre. En 1966, alors même que la guerre d'Algérie a pris fin très peu de temps auparavant, il signe une première fiction remarquée, Le vent des Aurès, qui remporte d'ailleurs le prix de la première oeuvre au festival de Cannes. En 1975, c'est la récompense suprême pour sa Chronique des années de braise. La lutte pour l'indépendance de l'Algérie est au coeur de cette fresque historique, qui raconte en six tableaux, de 1939 à 1954, la naissance d'une nation.
Il fut l'un des rares réalisateurs africains et arabes à avoir concouru quatre fois au Festival de Cannes, et était, jusqu'à son décès survenu ce 23 mai, le doyen des lauréats de la Palme d'or encore en vie.
