"Le suicide est une problématique qui concerne absolument tout le monde. Pour donner une idée au niveau de l'épidémiologie, la mortalité par suicide est équivalente à celle des accidents de la route. Mais on en parle beaucoup moins, parce que le suicide s'accompagne de beaucoup de préjugés. C'est un sujet difficile à aborder, et encore tabou malheureusement".
C'est en ces termes qu'Emilie Olié, en poste au Département Urgence et Post-Urgence psychiatrique du CHU de Montpellier, pose le cadre d'une réflexion salutaire s'inscrivant au cœur d'un documentaire d'utilité publique. Le suicide, comprendre pour aider, réalisé par James Barrat, est disponible sur arte.tv jusqu'au 8 décembre 2023.
Car c’est l’une des premières causes de mortalité dans le monde. Chaque année, 800.000 personnes mettent fin à leurs jours, et plusieurs millions d'autres survivent à une tentative de suicide.
Ce drame silencieux, qui touche des individus de tous les milieux sociaux, de toutes les générations et de tous les pays, fait aussi des victimes collatérales : les proches, qui s’en trouvent durablement affectés, voire traumatisés. En moyenne, un suicide bouleverserait l’existence d’une vingtaine d’autres personnes.
Un mal-être d'autant plus profond qu'il existe un large éventail de facteurs de risques, à la fois internes et externes, qui peuvent se cumuler : des antécédents de suicide dans la famille, des précédentes tentatives, la toxicomanie, le chômage, les soucis économico-financiers, les problèmes de couples, des ennuis avec la Justice...
"Une proportion non négligeable du risque est d'ordre génétique" explique le Dr John Mann, professeur en neuroscience, psychiatrie et radiologie, de l'Université de Columbia, à New York.
"Mais une part toute aussi importante est de nature environnementale, c'est-à-dire liée à des expériences qui modifient l'expression des gènes. C'est ce que l'on appelle l'épigénétique".
Contrairement à une idée reçue, il est bien souvent possible, en prenant en charge à temps celles et ceux qui présentent des pensées suicidaires, d’empêcher un passage à l’acte.
Au-delà du rôle essentiel des associations qui viennent en aide aux personnes endeuillées par le suicide d'un membre de l'entourage, une des clés de cette aide se trouve dans la prévention à l'échelle d'une société entière, et au niveau national.
Le Danemark, cité en exemple dans le documentaire, l'a bien compris. Alarmé à la fin des années 80 par un fort taux de suicide dans les pays scandinaves, les autorités adoptèrent une série de mesures, comme la prise en charge psychiatrique globale, qui a contribué à faire baisser le taux.
Parallèlement, l'accès aux armes et aux médicaments à risques fut renforcé. Dans ce pays, la prévention va même encore plus loin : dès l'école, les jeunes enfants sont encouragés à exprimer ce qu'ils ressentent, et à ne pas cacher leurs émotions.
En allant à la rencontre de chercheurs, psychiatres, neurologues, mais aussi de proches de victimes ou de personnes ayant voulu attenter à leurs jours, ce poignant documentaire met en lumière les signes qui doivent alerter et les manières de faire face aux risques, chez les autres comme chez soi-même.
Si vous êtes en souffrance ou voulez aider quelqu’un, vous pouvez contacter le 3114, numéro national de prévention du suicide, 24h/24 et 7j/7, ou consulter la page 3114.fr