Brigitte Bardot est l’une des premières vedettes médiatiques à déchaîner les foules en France. Objet de tous les fantasmes, de toutes les frénésies, de tous les débats mais aussi de nombreux lynchages, elle est une figure à la fois complexe et multiple qui a fait l’objet de nombreux documentaires.
Co-réalisé par Elora Thevenet et Alain Berliner, Bardot est le premier d’entre eux qui donne véritablement la parole à l’actrice, chanteuse et militante, à l’aube de ses 90 ans. Surprenant et foisonnant, il réunit des confidences captées à différents moments de sa vie, les témoignages de plus de quarante intervenants (spécialistes de la cause animale dont elle est défenseuse, de la mode, du cinéma) ainsi qu’une quantité d’archives filmiques, télévisées et familiales.
Vénérée très jeune pour sa beauté, pour son talent et connue par la suite pour son engagement en faveur de la cause animale, Brigitte Bardot est en réalité une artiste complète, farouchement libre, dont le parcours a marqué plusieurs générations et plusieurs combats.
Issue d’une éducation bourgeoise stricte, la jeune Brigitte fait très tôt l’apprentissage de la discipline. Elle confie : “Je devais tenir un bol d’eau sur la tête pour apprendre à me tenir droite”. La danse classique devient son premier langage artistique, un art “exigeant et très beau” qui forge sa rigueur. En parallèle, elle pose pour Elle, poussée par les contacts de sa mère, et devient rapidement un visage remarqué.
Sa rencontre avec Roger Vadim bouleverse sa trajectoire. Leur collaboration donnera naissance à un film sans prétention initiale - Et Dieu… créa la femme - qui changera pourtant sa carrière de manière définitive. Bardot y incarne une liberté nouvelle, bousculant les codes de représentation du féminin (elle sera jugée “sataniste” par le Vatican !) et installant une présence à l’écran qui marquera durablement le cinéma.
Première actrice à s’affranchir délibérément des conventions vestimentaires imposées aux femmes, elle influence profondément la mode : ballerines, marinières, coupes naturelles… Son style, pensé d’abord pour le confort et l’authenticité, devient un phénomène. Ses films enchaînent les succès et font d’elle une figure incontournable des années 60 et 70.
Bardot se révèle aussi dans la chanson. Elle enregistre plusieurs titres, guidée par l’envie et la légèreté, et impose une voix douce, singulière. Le documentaire revient sur cette parenthèse musicale et sur certaines collaborations devenues mythiques notamment avec Serge Gainsbourg.
Dans une société d’après-guerre en quête de libération, Bardot incarne malgré elle un souffle d’émancipation. Les Françaises voient en elle un modèle de liberté ; les Français, souvent un fantasme... Sa notoriété fulgurante lui ouvre des portes, mais ne la protège pas des violences auxquelles beaucoup de femmes sont confrontées. Le film souligne cette contradiction, sans jamais tomber dans le pathos.
Bardot trouve alors refuge auprès des femmes qui l’entourent – dans un véritable élan de sororité – et auprès des animaux, qui deviendront son engagement majeur. Le documentaire rappelle combien elle a été pionnière dans l’usage de sa notoriété sur les plateaux télé : défense du droit à l’avortement, soutien public à d’autres femmes, dénonciation précoce des conditions d’abattage… Malgré de nombreuses prises de position politiques controversées, que l’artiste avoue regretter aujourd’hui à l’écran, cette dernière a malgré tout été la figure de proue de nombreux combats, à une époque où les prises de parole, notamment féminines, restaient rares et risquées.
“Sans s’en rendre compte, elle a joué un grand rôle pour les femmes : elle a remis certains producteurs abusifs à leur place avant l’heure, résume Nicolas Bary, co-producteur du documentaire. Elle a soutenu de nombreuses femmes, parmi lesquelles son agent, sa productrice, sa maquilleuse et sa doublure, qu’elle appelle ses mamans de substitution. Elle a défendu le droit à l’avortement aux côtés de Simone Veil... Elle a aussi eu le courage de passer du statut de personnalité préférée des Français à celui de figure moquée en prenant la parole pour les animaux. Ce qui la caractérise le plus, c’est la liberté : la liberté de mouvements, de s’habiller, d’embrasser, de parler, d’être tout simplement... et cela malgré les risques…”
Au fil des années, Brigitte Bardot revendique également le droit d’assumer son apparence sans artifices, promouvant l'acceptation des rides et refusant la chirurgie esthétique.
“La gloire, c’est formidable mais c’est invivable” dit-elle. Brigitte Bardot a été la personnalité la plus adulée des Français et l’une des stars les plus entourées, mais ça ne l’a pas empêchée de se sentir terriblement seule – ses relations étant souvent fausses – et de sombrer dans le désespoir. Épiée par les paparazzis, suivie dans la rue, harcelée sexuellement par de nombreux hommes, l’icône de toute une génération a fait le choix de se retirer du cinéma pour se préserver et se consacrer pleinement à son combat.
“Elle a subi d’intenses intrusions jusqu’à trouver des inconnus dans sa piscine qui refusaient de quitter les lieux (...) ou encore son gardien qui amenait des prostituées dans son propre lit qu’il habillait au préalable en piochant dans sa garde-robe, raconte Nicolas Bary. Nous montrons comment le public ou les médias voulaient s’approcher d’elle, la toucher, la posséder en fait.”
Ce cauchemar ne s’est pas arrêté avec la fin de sa carrière d’actrice : son combat pour les animaux lui vaut moqueries et hostilité. “C’était très courageux de mener ce combat alors qu’elle avait tout à perdre”, entend-on dans le film. Pourtant, Bardot s’y consacre corps et âme, trouvant dans la création de sa Fondation un refuge face à un monde qui, à plusieurs reprises, l’a poussée au bord du renoncement.
Bardot dresse habilement le portrait d’une artiste totale et engagée qui s’est heurtée aux exigences et injonctions de son époque. Un récit authentique et bouleversant à découvrir le 3 décembre sur grand écran.

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