Un soir d'été, Suzanne (Juliette Armanet), accompagnée de ses deux jeunes enfants, rend une visite impromptue à sa sœur Jeanne (Camille Cottin). Celle-ci est prise au dépourvu. Non seulement elles ne se sont pas vues depuis plusieurs mois mais surtout Suzanne semble comme absente à elle-même. Au réveil, Jeanne découvre sidérée le mot laissé par sa sœur. La sidération laisse place à la colère lorsqu'à la gendarmerie Jeanne comprend qu'aucune procédure de recherche ne pourra être engagée : Suzanne a fait le choix insensé de disparaître…
Lauréat du Valois de diamant au festival du film francophone d’Angoulême, Les Enfants vont bien marque le retour du jeune cinéaste Nathan Ambrosioni, qui signe un nouveau drame familial après le succès de Toni en famille dans lequel Camille Cottin excellait déjà en mère de cinq enfants. Dans ce nouveau long métrage, marquant sa troisième réalisation – après Les Drapeaux de papier et Toni en famille– le cinéaste s’attèle à un sujet rarement traité au cinéma : celui des disparitions volontaires. Il dresse ainsi une tragédie intime d’une grande justesse, portée par une mise en scène tout en sobriété et en sensibilité, notamment à travers le personnage de Jeanne, incarné par Camille Cottin.
“Au début du récit, Jeanne est comme absente à elle-même, elle semble hantée par quelque chose. Ce qui caractérise Jeanne, c’est une préoccupation permanente, un état que Camille a parfaitement incarné. C’est un personnage opaque, auquel on n’a pas facilement accès”, explique le réalisateur. En effet, l’actrice livre ici l’une de ses interprétations les plus fines et intériorisées. Par ses silences et la force de son regard, elle donne corps à tout ce que son personnage ne parvient pas à dire.
Cette collaboration était une évidence pour Nathan Ambrosioni, qui avait été impressionné par sa complice comédienne sur le tournage de son dernier film. “Elle a ce côté préoccupé, toujours en train de penser à quelque chose dans son regard quand on lui parle, et elle ressent tout très fort. C’est pour ça que j’ai écrit un autre film pour elle”, confie-t-il.
À ses côtés, deux autres figures féminines rayonnent à l’écran : Monia Chokri (Laurence Anyways, Simple comme Sylvain) et Juliette Armanet, musicienne et interprète qui poursuit sa carrière cinématographique après le succès de Partir un jour. Nathan Ambrosioni souhaitait un long métrage reposant principalement sur des protagonistes féminins, créant un espace à première vue sécurisant. “Je trouvais excitant de réunir une actrice, Camille Cottin, une réalisatrice-actrice, Monia Chokri, et une chanteuse, Juliette Armanet”, précise le cinéaste. Ensemble, les trois interprètes insufflent au long métrage une véritable hybridité, à la croisée des disciplines et des sensibilités.
Dans ce drame familial, Jeanne est contrainte de s’occuper des enfants de sa sœur, disparue volontairement. Ce sujet semble hanter le réalisateur, qui, avec ce long métrage, tente de comprendre ce droit à l’oubli, qui autorise chacun d’entre nous à partir, sans intervention policière.
C’est alors un drame sur la disparition qui se construit ici, dans lequel le réalisateur précise : “J’ai envie de parler de l’absence : comment évolue une famille avec un élément manquant ?”. Suzanne – incarnée par Juliette Armanet – n’apparaît qu’au début de l'œuvre. “Je voulais une histoire qui parle d’un personnage qu’on ne voit jamais, qu’il y ait une présence qui se dérobe”. Bien qu’elle soit peu présente à l’écran, il ne semble y avoir d’yeux que pour elle : tout tourne autour de cette absence omniprésente, et chacun tente de comprendre les raisons de ce vide, sans jamais obtenir de réponse.
Dès lors, le silence s’accapare une place majeure dans l'œuvre, apportant un mélange particulièrement paradoxal de tension sourde et d'apaisement. En effet, Nathan Ambrosioni insiste sur le fait qu’il souhaitait réaliser un film de fantôme, notamment en confiant à sa caméra cette charge de présence spectrale, donnant l’impression que quelqu’un observe de loin les protagonistes.
Les Enfants vont bien dresse avant tout le portrait de ceux qui restent, ceux qui avancent malgré l’absence de réponse. Margaux et Gaspard – interprétés par Nina Birman et Manoâ Varvat – forment une fratrie unie face au monde adulte qui semble se déliter autour d’eux. “Ce qui est aussi très fort, c’est qu’ils ont l’air si proches, et pourtant ils sont tellement loin l’un de l’autre et de ce qu’ils ressentent” explique Nathan Ambrosioni. Les deux enfants ne vivent pas du tout la même temporalité des événements et font face à cette disparition traumatisante de deux façons différentes. Au départ, ils semblent former une seule et même entité, puis ce n’est que progressivement que l’on devine que l’un et l’autre ne vivent pas les choses, ni de la même façon.
Tourné essentiellement l’été, une saison qui, pour le réalisateur, fait écho à l’enfance, Les Enfants vont bien joue sur la nostalgie des grandes vacances, d’un temps infini et distordu. Margaux et Gaspard vivent cet été avec un choc, et tous les protagonistes partagent cette attente insoutenable. À la poésie de l’enfance portée par les beaux jours se joint ainsi le mystère du lieu où les scènes se déroulent. En effet, les maisons sont impossibles à réellement situer. “Je voulais un endroit non identifié et qu’on ne nomme jamais. Un espace “neutre” afin que l’on ressente à quel point les enfants sont trimbalés d’un endroit à un autre”, précise Nathan Ambrosioni. Le spectateur se retrouve aussi désorienté que le sont les enfants, arraché à l’espace et au temps, forcé de subir l’absence et de vivre ce qui reste.
Les Enfants vont bien, un drame intense porté par Camille Cottin, Juliette Armanet et Monia Chokri, en salle le 3 décembre.

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