Parmi les questions auxquelles les stars répondent volontiers figure celle de leurs films favoris. Et on ne parle pas ici de leurs films favoris au sein de leurs propres filmographies respectives. Un ou des films coups de coeur pour des raisons évidemment très diverses : des oeuvres qui ont été des révélations pour elles; parce qu'elles ont marqué leur enfance, parce qu'elles ont eu une influence importante dans leurs carrières, ou tout simplement parce que ces oeuvres ont nourri leurs imaginaires.
Dans ce registre, Peter Jackson a un totem absolu : le King Kong de 1933, réalisé par le duo Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper. Le film est entré depuis au panthéon du cinéma, notamment grâce à ses effets spéciaux, révolutionnaires pour l'époque, créés par le légendaire Willis O'Brien, dont le travail sur Le monde perdu (1925) avait fait sensation.
Dans un entretien avec la journaliste Cindy Pearlman, publié dans son ouvrage You Gotta See This en 2007, le cinéaste qu'on ne présente plus expliquait pourquoi -et avec passion- ce chef-d'oeuvre est son film préféré.
"J'avais neuf ans, et nous avions cette grande TV en noir et blanc dans la maison de mes parents. Un vendredi soir, alors que je m'ennuyais à mourir, je me suis assis devant la TV et j'ai vu ce singe géant suspendu au sommet de l'Empire State Building. J'en ai eu la chair de poule. Environ 2h plus tard, j'ai vu ces hommes tuer King Kong. Je me suis dit : "pourquoi ont-ils tué la plus magnifique créature jamais vue ? Pourquoi ? Pourquoi ?"
Je me souviens m'être assis sur la moquette, et me mettre à pleurer, pleurer. Pourquoi avaient-ils tué quelque chose qui pouvait battre un T-Rex ? C'était un singe avec un coeur, du courage et une âme.
J'ai vu King Kong à une époque antérieure au magnétoscope. Il n'y avait pas non plus de salles de réunion dans mon quartier. Mais j'ai trouvé un moyen d'acheter une copie de la version de 1933 pour la mettre sur un projecteur en Super 8mm.
Je mettais un drap blanc sur le mur de la chambre, et le projetais, encore et encore. Les deux scènes que je passais le plus étaient celle où il affronte le T-Rex, et la scène finale de l'Empire State Building. J'aimais aussi beaucoup cette idée d'une île cachée, Skull Island, remplie de singes géants. C'était l'évasion à son meilleur. Toute l'histoire tourne autour de la suspension de crédulité. Et dans ce cas, je ne veux pas être un croyant.
Le jour suivant où j'ai vu King Kong pour la première fois, j'ai pris la caméra stop motion de mes parents. Je me suis fabriqué un Brontosaure en pâte-à-modeler et un grand gorille, et j'ai commencé à filmer en animation image par image".
Dressant un parallèle évident avec sa propre (et sensationnelle) version de King Kong, Jackson conclut : "Ca, c'était vraiment le film que j'essayais de faire à l'âge de 12 ans avec ma Super-8. Vous pourriez dire que filmer ce singe était une très vieille ambition pour moi".
Peu de temps avant la sortie du film de Peter Jackson en 2005, un roman, Kong : King of Skull Island, écrit par un auteur du nom de Joe Devito, est sorti aux Etats-Unis. Autorisé par le Cooper Estate, le fond qui gère l'héritage du film de 1933, ce nouveau roman fait à la fois office de préquelle et de suite au conte fantastique classique. Et révèle un post scriptum, absent des films, d'une tristesse infinie...
Après que Kong ait été abattu par l'armée et soit mort, son gigantesque cadavre a été récupéré et est devenu une exposition au Musée d'histoire naturelle, les clients payant le prix fort pour voir son squelette. Comme une cruelle et tragique ironie : même dans la mort, le monde n'en a pas fini avec lui - ses restes ne connaissent même pas le repos.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire