Un succès au goût amer. Tandis que la série En Thérapie, portée par Frédéric Pierrot, Mélanie Thierry ou encore Reda Kateb, enregistre de belles audiences sur Arte chaque jeudi et comptabilise à ce jour plus de 20 millions de vue sur le site de la chaîne, ses scénaristes dénoncent de mauvais traitements et un manque de reconnaissance de la part de la production de la série.
Dans un message publié sur le groupe Facebook "Paroles de scénaristes", Vincent Poymiro et David Elkaïm, coscénaristes d'En Thérapie, dénoncent début janvier les difficultés rencontrées au cours de leur collaboration avec la société de production qui a initié le projet d'adapter la série BeTipul en France. Dans la lignée du collectif, qui recueille de nombreux témoignages dénonçant les abus de pouvoir, le manque de considération et la précarité qui touchent les scénaristes dans l'audiovisuel français, le duo d'auteurs à l'origine de la série Ainsi soient-ils déclare que la production de la série n'a pas suffisamment pris en compte leur apport artistique sur le plan contractuel.
Dans une interview au site Le Point le 19 février dernier, Vincent Poymiro révèle que ces désaccords persistent, au point que le groupe de scénaristes qu'ils forment avec leurs trois co-auteurs, Pauline Guéna, Alexandre Manneville et Nacim Mehtar, renoncent à s'engager sur l'écriture de la saison 2. "La production n'a pas accepté nos exigences, toujours les mêmes : faire partie du projet jusqu'au bout et être crédités comme tels pour ce travail. Alors, même si cela n'a pas été une décision facile, nous avons refusé", explique-t-il.
Et pourtant, En Thérapie est loin d'être la pire expérience de leur carrière, poursuit Vincent Poymiro. "Si nous avons pris la parole, c'est pour donner un peu d'écho au coup de gueule d'autres scénaristes encore plus maltraités que nous". A l'origine, ce sont les réalisateurs Eric Toledano et Olivier Nakache qui démarchent le duo d'auteurs dans l'optique d'adapter le format israélien. Après avoir été séduits par leur proposition pour les cinq premiers épisodes, Toledano et Nakache laisse alors toute leur liberté aux auteurs pour l'intégralité de l'écriture de la série. "C'est là, quand le projet a été vraiment mis en route, que nous aurions dû être plus vigilants. Nous qui avons tout écrit, et connaissons l'architecture de l'ensemble de la série, nous voulions garder contractuellement une place à la table des discussions jusqu'au bout… La production nous l'a fait miroiter, et n'a pas respecté ses promesses. Mais nous avons notre part de responsabilité. Après vingt-cinq ans de métier, croire encore en la parole d'un producteur, il faut être idiot !"
Loin de jeter la pierre aux deux réalisateurs, qui ont rapidement tenu compte de leur mécontentement et changé leur discours vis-à-vis d'eux, le scénariste reconnaît leur part déterminante dans le projet et dénonce "un système où beaucoup d'argent est en jeu", et où producteurs et diffuseurs ne mettent en avant que les "personnalités connues" pour assurer la viabilité d'une oeuvre.
"Notre apport étant quand même essentiel, nous voulions juste qu'il soit crédité comme tel (...) Un comédien peut avoir envie de modifier des répliques, mais les scénaristes qui connaissent l'ensemble du texte savent que telle phrase peut-être modifiée ou que telle autre doit être maintenue, parce qu'elle va résonner dans l'un des épisodes suivants, par exemple…" explique-t-il. "Sur le plateau, cet accompagnement par les auteurs permet d'éviter les mauvais choix. D'ailleurs, après avoir refusé nos conditions, la production, réalisant à quel point c'était en fait nécessaire, nous a demandé de l'aide."
Sans avoir obtenu la rémunération demandée à la hauteur de leur contribution, Vincent Poymiro explique qu'après un tel investissement, les scénaristes se sont sentis "dépossédés" de la série, voire écartés d'une partie de la promotion, comme ils le déclaraient à Télérama en janvier. Et regrette que le statut de scénariste soit toujours aussi peu considéré en France. "Un jour, on peut toujours rêver, les auteurs seront peut-être copropriétaires du final cut avec les réalisateurs !" espère-t-il.
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