Cela a un peu un goût de Canada Dry, d’être invité à Cannes sans faire partie du gotha convié par le Festival international du film, cependant Kevin Spacey n’en est pas moins heureux d’y être « de retour ». « Je me sens entouré de tant d’affection » et de « soutien », a-t-il commenté, selon Deadline. Lui qui y a été si souvent reçu et célébré comme la super star qu’il était avant ses ennuis avec la justice revient donc par la petite porte. Mais suffisamment grande pour que son séjour cannois ne passe pas inaperçu. Et l’iconique Keyser Söze d’Usual Suspects a bien l’intention de se faire entendre.
Suspect, il l’a été, et accusé… mais aussi disculpé, et à deux reprises. Il n’empêche : Kevin Spacey sait qu’il n’a pas retrouvé les faveurs de la plus grande partie de l’industrie cinématographique. Dans son discours de remerciement au gala de charité de la fondation Better World Fund, qui lui a remis un prix pour l’ensemble de sa carrière, le comédien de House of Cards a décidé de dénoncer sa mise au ban de Hollywood en faisant référence à la chasse aux sorcières qui a frappé le cinéma américain après la Seconde Guerre mondiale.
Commençant son discours par des félicitations au président et fondateur du gala, Manuel Collas de La Roche, « pour sa décision de m’inviter ici ce soir pour accepter ce prix », l’acteur de Elvis and Nixon a enchaîné sur le message qu’il souhaite délivrer. « Qui aurait pensé qu’honorer quelqu’un qui a été disculpé dans tous les tribunaux où il est entré serait considéré comme une idée courageuse. Mais nous y voilà », a-t-il lancé. Et d’évoquer la période où l’on pouvait être blacklisté non seulement pour être soupçonné ou convaincu d’être lié au parti communiste, mais aussi pour ne pas se désolidariser de ceux qui étaient accusés par la commission dirigée par le sénateur Joseph McCarthy aux États-Unis.
Devant l’assemblée élégante réunie à l’hôtel Carlton, Kevin Spacey a notamment fait référence à l’acteur disparu Kirk Douglas. « J’ai pensé à quelqu’un d’autre que vous avez vu plus tôt sur l’écran ce soir, Kirk Douglas, grande star du cinéma américain. C’était il y a très, très longtemps, mais nous devons penser au refus qu’il a reçu après avoir pris la décision courageuse de défendre un collègue, le scénariste aux deux Oscars, Dalton Trumbo, qui avait été mis à l’index de 1947 à 1960. Il a été mis sur liste noire », a-t-il rappelé.
Puis dans un parallèle à peine voilé avec sa situation personnelle, l’acteur de 65 ans a poursuivi : « Blacklisté, nous savons ce que cela signifie ? Il n’a pas pu trouver de travail à Hollywood pendant treize ans. Or, même après avoir été averti que s’il essayait d’engager Trumbo comme scénariste de Spartacus en 1960, il serait traité d’amateur de cocaïne, et que sa carrière et son statut professionnel seraient annulés, Kirk Douglas a pris le risque, et dira plus tard, et je ne ferai pas mon imitation de Kirk Douglas, mais il a dit ceci : "C’est plus facile pour nous, les acteurs, d’incarner les héros à l’écran. Nous avons la possibilité de combattre les méchants et de défendre la justice. Mais dans la vie réelle, les choix ne sont pas toujours aussi clairs. Il y a des moments où l’on doit se battre pour le principal" ».

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