Une nouvelle chronologie des médias vient d'être signée, en ce lundi 24 janvier. Elle devrait être mise en place le 10 février prochain pour une durée de trois ans. Avant cela, une clause de revoyure a été fixée en février 2022, afin de faire un premier bilan. Car ce sujet a donné lieu à de longues négociations, et les décisions prises aujourd'hui sont déjà critiquées par des professionnels du cinéma et de la télévision.
Après plusieurs mois de discussions sous la médiation du CNC, le ministère de la culture, les plateformes de streaming et les chaînes de télévision ont validé ce nouveau calendrier de diffusion des films en streaming et à la télévision :
- un délai de 6 mois d'attente entre la sortie en salles et une première diffusion en crypté sur Canal +
- un délai de 15 mois pour Netflix
- un délai de 17 mois pour Amazon Prime Vidéo et Disney Plus
- Un délai de 22 mois pour les chaînes en clair (TF1, M6 etc.)
On savait depuis décembre 2021 que la chaîne cryptée avait réussi à réduire son délai de diffusion de 9 à 6 mois en s'engageant en contre-partie à investir 600 millions d'euros dans le cinéma européen jusqu'en 2024 (les détails sont à lire sous le tweet). La nouvelle chronologie des médias confirme ce nouveau délai de diffusion. Les dirigeants de Canal + sont ravis, rappelant que des négociations avaient déjà permis en 2018 de réduire cette fenêtre de 12 à 9 mois. En un peu moins de quatre ans, ils ont donc divisé ce délai par deux ! "Cette chronologie des médias modernisée reconnaît la position unique de Canal + dans le cycle de financement du cinéma", se félicite le groupe, tout en mentionnant les 400 films/an actuellement diffusés en première exclusivité sur la chaîne.
La surprise de ce nouvel accord concerne la réduction du délai de diffusion sur les plateformes de streaming. Jusqu'ici d'environ 36 mois, il passe à 15 pour Netflix et 17 pour les autres (Amazon Prime Vidéo, Disney Plus, Apple TV+, etc.). Cela s'explique par le fait que la branche française de Netflix est la seule à avoir signé l'accord avec le système de financement local des productions audiovisuelles et cinématographiques. Si la demande était de reverser entre 20% et 25% de leur chiffre d'affaire annuel dans l'Hexagone pour la production locale contre une fenêtre de diffusion réduite à 12 mois, la plateforme s'est finalement engagée après de fortes négociations à produire au moins dix films par an en France, plus un investissement moyen de 40 millions d'euros dans la création (séries comprises). Cela représente seulement 4% du chiffre d'affaires de Netflix en 2021 chez nous, mais marque "une première étape significative de modernisation de la chronologie des médias, selon le porte-parole de la plateforme. Il reflète notre approche constructive tout au long du processus de négociation et notre engagement à contribuer au cinéma français."
Si Netflix est content, les concurrents regrettent logiquement que leur délai de diffusion soit supérieur de deux mois. "Nous pensons que cela n'établit pas un cadre équitable et proportionné entre les différents acteurs de l'écosystème audiovisuel, a par exemple réagi l'équipe chargée des négociations de chez Disney. Ceci est d'autant plus frustrant que nous avons augmenté nos investissements dans la création de contenus originaux français." Le groupe, tout comme Amazon et les autres plateformes de streaming, devront tout de même respecter ces nouvelles règles, peu importe s'ils les ont signées ou non. Une décision qui a fait bondir la SACD (Société des auteurs et compositeurs dramatiques), qui publie une lettre ouverte pour justifier son refus de signer cette nouvelle chronologie des médias. Extrait : "Personne ne peut imaginer que les termes de cet accord peuvent aujourd’hui rester en vigueur pour une durée de trois ans. Les mutations rapides du secteur en termes d’offre, de technologie et de demande conduiront inéluctablement à une évolution rapide de la place du cinéma dans l’ensemble des offres disponibles sur le marché français. La conclusion de cet accord pour une durée de 3 ans apparait donc à la fois incompréhensible et déraisonnable. (...) La crainte est d’autant plus forte que cet accord contient des novations spécifiques pour les plateformes, notamment dans le cadre des co-exploitations entre les services de SVOD et les chaînes gratuites qui accroissent encore les effets négatifs de la chronologie des médias française sur la disponibilité continue des œuvres de cinéma pour le public français. En effet, même si un film n’est acheté par aucune offre de télévision payante, il restera la plupart du temps complètement indisponible pendant 15 à 17 mois après sa sortie en salles, au grand dam des cinéphiles français. Cette très longue indisponibilité n’aura malheureusement que deux échappatoires aussi dangereuses l’une que l’autre. En premier lieu certains de ces films risquent tout simplement de ne pas sortir en salles avec des effets financiers immédiats sur la fréquentation et donc les ressources du compte de soutien du CNC alimentées par la taxe sur les recettes de billetterie des salles. En second lieu cette longue durée d’indisponibilité sera une puissante incitation au piratage des films concernés."
Les plateformes de streaming gagnent donc un délai supplémentaire par rapport aux chaînes de télévision en clair : TF1, France Télévisions, M6 et Arte pourront à présent diffuser un film 22 mois après sa sortie au cinéma, contre 36 auparavant, donc. En revanche, elles conserveront une fenêtre d'exclusivité, de 22 à 36 mois, ce qui signifie que les films en question devront être retirés des différentes plateformes le temps de leur diffusion à la télévision. Aux différents groupes de s'arranger entre eux pour signer des "périodes de co-exclusivité" pour que certaines oeuvres puissent être disponibles à la fois à la télé et en streaming. "Nous serons très vigilants sur le rapport de force entre ces grandes plateformes et les acteurs français", a réagi Thomas Valentin, vice-président du groupe M6.
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