26 janvier 2021

Keira Knightley : son refus radical de tourner des scènes de sexe filmées par un homme

Keira Knightley est l’une des actrices britanniques les plus connues de sa génération. Avec près d’une quarantaine de longs-métrages à son actif, elle a prêté ses traits à d’illustres personnages tels Anna Karénine, Elizabeth Bennet ou encore la reine Guenièvre. Agée de trente-cinq ans, elle avait fait sensation l’année dernière en déclarant dans les colonnes du Financial Times qu’elle refuserait dorénavant de tourner nu et qu’elle préférerait faire appel à une doublure : « Je me suis toujours sentie à l'aise quand je devais me déshabiller étant plus jeune. Je n'ai jamais rien fait qui ne me mette mal à l’aise. Je suis vraiment contente de mon corps. Il a fait des choses merveilleuses. Mais je ne veux plus apparaître totalement nue devant toute une équipe de tournage. » La compagne du musicien James Righton, avec lequel elle a deux enfants, manifestait également sa peur de voir ces images se retrouver sur des sites pornographiques : « Avant, on tournait une scène de sexe isolée du film, et cela avait du sens. [...] Maintenant, vous pouvez prendre le tout, l’arranger complètement différemment, le sortir de son contexte, et le publier sur un site porno. »

C’est à l’occasion d’un entretien accordé au podcast Chanel Connects, une création de la maison de haute couture dont elle est par ailleurs l’égérie, qu’elle a donc déclaré qu’elle refuserait désormais de tourner « ces horribles scènes de sexe » lorsque ces dernières seraient mises en scène par un homme. Intitulé Les nouvelles héroïnes, cet épisode accueillait également la réalisatrice Lulu Wang ainsi que l’écrivaine et productrice Diane Solway. S’appuyant sur le concept du « male gaze » théorisé par la critique et réalisatrice britannique Laura Mulvey dans son célèbre essai Plaisir visuel et cinéma narratif publié en 1975 dans la revue Screen, l’actrice reprenait à son compte l’analyse de son aînée en expliquant comment la caméra se plaçait naturellement du point de vue masculin et avait la fâcheuse tendance à réifier les femmes : « C’est en partie par vanité et aussi en raison du male gaze (…) Je comprends que certains réalisateurs veulent quelqu'un qui ait l'air sexy mais je ne veux plus tourner ces horribles scènes de sexe, où vous êtes toute transpirante, et où tout le monde gémit. » Au regard masculin actif se soumet donc le corps féminin, passif, comme l’écrit Mulvey dans son article : « Le regard masculin, déterminant, projette ses fantasmes sur la figure féminine, laquelle est façonnée en conséquence. Dans le rôle exhibitionniste qui leur est traditionnellement imparti, les femmes sont simultanément regardées et exhibées, leur apparence étant codée pour susciter un fort impact visuel et érotique, si bien qu’on peut les qualifier d’être-pour-le-regard [to-be-looked-at-ness]. » Elle conclut en reprenant les mêmes arguments qu’elle avait déjà exprimés lorsqu’elle avait annoncé vouloir faire appel à une doublure : « Disant cela, il y a aussi des moments où je me dis: ‘Je vois complètement pourquoi cette relation sexuelle serait très bien dans ce film mais en fait vous avez juste besoin de quelqu’un de sexy’. Et donc, je me dis : ‘vous pouvez prendre quelqu’un d’autre, car ce corps a déjà donné naissance à deux enfants et je ne préfère pas me mettre nue devant un groupe d’hommes. » 

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