06 avril 2022

Netflix crée une nouvelle catégorie de films

Le week-end dernier, Pete Davidson, Chris Redd, Simon Rex et Gunna ont enregistré un rap pour le Saturday Night Live, dans lequel ils se moquaient de la durée des classiques du cinéma Il était une fois en Amérique et Amadeus ou plus récemment du film de super-héros The Batman. "Trois heures et quarante-sept minutes ? Mec, tu es fou ! Non merci, je vais plutôt mater un film court comme Miss Daisy et son chauffeur", lâchait ainsi Davidson en compagnie de ses complices. "Oui, un short ass movie comme Bambi !"

Un sketch qui n'est pas passé inaperçu auprès des principaux intéressés, puisque Netflix a rapidement partagé cette vidéo rigolote sur les réseaux sociaux en commentant : "Bonne idée". Avec un lien menant vers une nouvelle catégorie appelée "short ass movies" et ne contenant que des films de 90 minutes (1h30) ou moins.

Luke Cage : la série Marvel censurée, le showrunner en colère

Il y a quelques semaines, les séries Marvel de Netflix ont quitté la plateforme pour rejoindre les autres productions du MCU sur Disney+. Disponibles aux États-Unis et dans quelques autres pays, les six programmes ne sont pour l’heure pas encore présents dans le catalogue français de la plateforme SVOD.

Les internautes américains ont néanmoins pu constater des censures sur ces séries Marvel. Cela a notamment été le cas sur Luke Cage, alors qu’un hommage au regretté comédien Reg E. Cathey (qui campait le père du super-héros dans la saison 2) a tout simplement été effacé par Disney+. Un acte qui a entraîné la colère du showrunneur de la série, Cheo Hodari Coker.

"Pourquoi avoir fait ça ? Reg E. Cathey formait le cœur et l’âme de la seconde saison. Nous ne nous sommes pas sentis forcés de lui dédier la saison suite à son décès, mais nous l'avons tout simplement fait parce que nous l’aimions et qu’il nous donné beaucoup de force."

Les représentants de Disney Plus n'ont pas encore réagi à la polémique, mais bon nombre d'internautes ont plaidé l'accident, et non l'intention; l'hommage au comédien a simplement pu être effacé involontairement au moment d'enlever le logo Netflix qui apparaissait avant chaque épisode de ces séries coproduites par la plateforme et les studios Marvel !

On ignore encore à quelle date les six séries Marvel rejoindront le catalogue français Disney+ : Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage, Iron Fist, Punisher et The Defenders. Rappelons que de premiers crossover entre ces séries et le MCU ont eu lieu à l’occasion des apparitions de Matt Murdoch dans Spider-Man No Way Home et du Caïd dans la série Hawkeye !

La série HPI bat tous les records d'audiences dans le monde

Alors que les deux premiers épisodes encore inédits de sa saison 2 ont été projetés en avant-première lors du Festival Séries Mania à Lille en mars dernier, HPI, la série à succès de TF1 menée par Audrey Fleurot et Mehdi Nebbou continue son petit bonhomme de chemin à l'international et n'en finit plus de nous surprendre.

Après avoir réalisé des record d'audiences inégalés sur TF1 depuis 2007 avec plus de dix millions de téléspectateurs réunis chaque soir, la série créée par Nicolas Jean, Alice Chegaray-Breugnot et Stéphane Carrié, devenue le programme de fiction le plus vu par les Français en 2021, effectue également de belles performances à l'étranger selon Le Film Français.

Lors du MIPTV, rendez-vous cannois des professionnels de l'audiovisuel en marge du festival Canneséries, le distributeur de HPI, Newen Connect, a révélée que la comédie policière avait été vendu dans plus de 90 pays.  Allemagne, Belgique, Italie, Espagne, Japon, Suisse, Pologne, Portugal, ou encore pays des Balkans et de l'Afrique lusophone à travers le réseau de télévision AXN Sony : les enquêtes décalées de Morgane Alvaro, mère de famille à haut potentiel intellectuel, ont franchi les frontières de l'Hexagone.

"Avec déjà près de 175 millions de vues, la saison 1 de HPI s’est installée comme l’une des séries événements de 2021. Notre ambition avec la saison 2 est de conquérir de nouveaux fans de Morgane/Audrey Fleurot à travers le monde, et de contribuer au rayonnement de la création française à l’international" a déclaré le directeur général de Newen Connect.

La saison 2 de HPI devrait débarquer prochainement sur TF1. En attendant de découvrir ce qu'elle nous réserve, avec l'arrivée de nouveaux guests à bord comme Clotilde Hesme, vous pouvez (re)découvrir la saison 1 en intégralité sur la plateforme de streaming Salto.

Fast and Furious 10 : Jason Momoa annonce le retour de Charlize Theron

Dans une interview accordée à Entertainment Tonight, Jason Momoa a parlé de son rôle de méchant dans le 10ème volet de la saga Fast & Furious et a annoncé le retour de Cipher, incarnée par Charlize Theron.

Le comédien, prochainement à l'affiche d'Aquaman 2, a déclaré à propos de son personnage : "Il est incroyable. Il est méchant. Il est incompris", avant d'ajouter : "Je vais tourner avec des gens vraiment cool avec lesquels je n'ai encore jamais collaboré. Je vais travailler avec Charlize [Theron] notamment, et cela m'enthousiasme beaucoup. Elle est incroyable."

Charlize Theron reprend donc son rôle dans l'avant-dernier volet de la célèbre franchise et rejoint Vin Diesel, Tyrese Gibson, Ludacris, Michelle Rodriguez, Jordanna Brewster, Nathalie Emmanuel, Sung Kang et la nouvelle recrue issue de la Suicide Squad, Daniela Melchior.

Attention, le paragraphe qui suit contient un spoiler sur Fast & Furious 9

Cette annonce signifie donc que le personnage incarné par Jason Momoa devrait collaborer avec Cipher. Ce dernier changera-t-il finalement de camp à la fin du film comme ce fut le cas pour John Cena, qui incarnait le frère-ennemi de Dom dans Fast & Furious 9 ? Affaire à suivre.

L'ancien mannequin a ensuite teasé son affrontement avec le héros de la saga motorisée Vin Diesel en affirmant que c'est pour les scènes d'action entre leur personnages qu'il a été engagé. Le long-métrage de Justin Lin promet donc d'être de nouveau riche en action et en bastons. La relève de Dwayne Johnson est donc assurée.

Pour rappel, l'annonce de Momoa au casting de la franchise débutée en 2001 s'est faite rapidement après une nouvelle altercation entre Diesel et The Rock qui accusait la star de Fast & Furious de "manipulation".

Cet ajout de taille n'a pas arrangé les choses entre les deux ennemis puisque The Rock avait l'intention d'engager Jason Momoa dans la suite du spin-off Hobbs & Shaw. Mais le fait que l'interprète de Khal-Drogo rejoigne la saga mère contrecarre les plans de l'ancien catcheur.

Actuellement en tournage, l'avant-dernier volet de la franchise sortira dans nos salles le 24 mai 2023, tandis que Fast & Furious 11 est déjà annoncé pour 2024.

05 avril 2022

Cette vanne qu'Amy Schumer n'a pas eu le droit de dire aux Oscars 2022

Amy Schumer a fait le job, lors de la 94e cérémonie des Oscars. Co-animatrice de l'événement, l'humoriste américaine aux vannes cinglantes raconte aujourd'hui qu'elle aurait pu aller plus loin. Lors d'une soirée stand-up à Las Vegas samedi dernier, (via Vanity Fair) Amy Schumer a révélé avoir coupé un certain nombre de blagues de son monologue des Oscars sur les conseils de ses avocats.

Notamment une vanne sur Alec Baldwin - actuellement visé par des poursuites après la mort accidentelle de la chef op' de son dernier film - qu'elle n'a pas manqué de faire partager à son public :

"Don't Look Up est le nom d'un film ? Mieux vaut surtout ne pas regarder en direction du flingue d'Alec Baldwin !" 

Amy Schumer a ensuite confié avoir retenu ses coups envers l'acteur James Franco, visé par des allégations de harcèlement sexuel. "Mais je n'ai pas été autorisée à dire quoi que ce soit de tout ça aux Oscars... En revanche, tu as le droit de monter sur scène pour gifler quelqu'un !" a-t-elle lancé devant les spectateurs.

Il faut dire que Amy Schumer a confié, dans la foulée de la cérémonie, avoir été quelque peu traumatisée par le geste de Will Smith. Sur les réseaux sociaux, la comédienne avait révélé : "J'aime mon ami Chris Rock et je crois qu'il a géré cette situation comme un pro. Il est resté au top et a donné un Oscar à son ami Questlove. Tout cela était si perturbant. Il y a tellement de douleur en Will Smith…"

The Walking Dead : l’émouvant discours de Norman Reedus à la fin du tournage de la série

Il faudra attendre encore quelques mois avant de découvrir le dénouement de l’ultime saison de The Walking Dead. Néanmoins, le dernier épisode de la série horrifique a achevé son tournage la semaine passée dans la région d'Atlanta (État de la Georgie). L'occasion de déchirants adieux avec les interprètes historiques du programme, dont Norman Reedus – le seul acteur, avec Melissa McBride (Carol) à être apparu dans les onze saisons.

L’interprète de Daryl a ainsi livré un émouvant discours à l’adresse de ses collègues. Dans la vidéo – partagée par le spécialiste des effets spéciaux et réalisateur Greg Nicotero – l’acteur de 53 ans a prononcé quelques mots devant une audience partagée entre le rire et les larmes.

"On m’a récemment rappelé cette citation ‘Est-ce que le jus mérite que l’on presse le fruit ?’, et mon gars, le jus The Walking Dead mérite définitivement d’être pressé ! Cela a été un honneur pour moi."

Espérons que Norman Reeedus pourra retrouver une partie de l’équipe de The Walking Dead à l’occasion du spin-off qu’il tournera très prochainement avec Melissa McBride, dont la diffusion est prévue pour le courant de l’année prochaine sur AMC aux États-Unis.

Harrison Ford sera la star d’une série Apple


Harrison Ford à la télévision, c’est pour bientôt ! The Hollywood Reporter annonce en effet que l’acteur, qui a récemment terminé le tournage d’Indiana Jones 5, a rejoint le casting de la prochaine série des producteurs de Ted Lasso, Bill Lawrence et Brett Goldstein, Shrinking.

S’il avait fait des apparitions sur le petit écran dans les années 60 et 70, cette comédie Apple TV+ marquera la première fois que l’interprète d’Han Solo dans Star Wars tient un rôle principal dans une série télévisée.

Il y incarnera le Dr Phil Rhodes, un psy terre-à-terre et vif d’esprit, pionnier de la thérapie cognitivo-comportementale, venant d’apprendre qu’il souffre de la maladie de Parkinson. Ce qui le forcera à sortir de sa zone de confort.

Le personnage partagera son cabinet avec deux de ses protégés, Gaby et Jimmy. Ce dernier sera campé par Jason Segel, également producteur et scénariste de la série. En deuil, il commencera à enfreindre les règles et à dire à ses patients exactement ce qu'il pense...

Aucune date de diffusion n’a encore été communiquée pour cette série qui fera date dans la carrière d’Harrison Ford. En attendant, vous pourrez le retrouver une nouvelle fois dans le costume d’Indy, le 28 juin 2023.

Le réalisateur japonais Sono Sion accusé d'agressions sexuelles

Le réalisateur japonais, Sono Sion, connu pour des oeuvres culte comme Love Exposure ou Antiporno, est accusé d'agressions sexuelles par plusieurs actrices, rapporte Variety ce matin.

Ces accusations ont été relayées lundi 4 avril par la presse japonaise, précisément par le site Shukan Josei PRIME. Dans un long article, plusieurs actrices témoignent anonymement à l'encontre du cinéaste. Le réalisateur aurait fait des avances sexuelles à la "plupart de ses actrices principales". Il aurait également eu des comportements répréhensibles lors d'ateliers professionnels qu'il menait. Ces ateliers ont de ce fait été annulés. Sono Sion n'a pas encore répondu à ces allégations.

Comme le précise Variety, il n'y avait pas encore eu de #MeToo dans le cinéma japonais. Des prises de parole commencent à présent à faire surface, notamment via une tribune sortie mi-mars dans la presse japonaise.

Ces derniers temps, des accusations avaient été faites également envers l'acteur Kinoshita Houka et le réalisateur Sakaki Hideo, ce qui avait eu pour conséquence l'annulation de la sortie de deux films au Japon, en l'occurrence Confession et Harbor Light.

Sono Sion avait récemment dévoilé son premier film en langue anglaise, sorti directement sur OCS en France : Prisoners of the Ghostland, avec Nicolas Cage, Nick Cassavetes, Sofia Boutella...

Le pitch : Dans la ville frontière de Samurai Town, un criminel sort de prison à la demande du Gouverneur dont la petite fille a disparu dans un univers surnaturel appelé "le Ghostland". S'il parvient à la sauver, il sera libre. Parti à la recherche de la jeune femme et poursuivi par de mystérieux revenants, il va également suivre son propre chemin vers la rédemption.

Le cinéaste avait également réalisé le film The Forest of love destiné à la plateforme Netflix.

Plagiat : Asghar Farhadi reconnu coupable pour son film Un héros

Le tribunal de Téhéran a reconnu le réalisateur iranien multi-primé Asghar Farhadi, coupable de plagiat pour son dernier film Un Héros. Le cinéaste aurait repris des éléments clés du documentaire de Azadeh Masihzadeh, All Winners All Losers, un de ses anciens étudiants en cinéma.

Sorti dans nos salles en décembre dernier, Un Héros a reçu le Grand Prix lors du dernier Festival de Cannes. Le film porté par Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh et Fereshteh Sadre Orafaee suit Rahim, un homme emprisonné à cause d’une dette qu’il n’a pas pu rembourser. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre le versement d’une partie de la somme. Mais les choses ne se passent pas comme prévu…

Le jugement est sans appel et la punition de Asghar Farhadi devrait être déterminée prochainement. Le réalisateur pourrait être contraint de remettre à Azadeh Masihzadeh "tous les revenus tirés de la projection du film en salle ou en ligne", et pourrait même être condamné à une peine de prison.

A ce jour, Un Héros a rapporté environ 2,5 millions de dollars en salles dans le monde entier. 

Asghar Farhadi avait admis que son film était basé sur la même histoire vraie que All Winners All Losers, que Masihzadeh a développé en tant qu'étudiant dans un atelier documentaire que le metteur en scène dirigeait.

Lors d'une interview accordée à AlloCiné pour la promotion du film à Cannes, le réalisateur expliquait : "Il y a huit ou neuf ans, j'enseignais dans un atelier de cinéma comme je le fais souvent. Et comme un simple projet pédagogique, je proposais à mes étudiants de se diviser en groupes de deux ou trois personnes, et je leur ai moi-même transmis certaines de ces histoires que j'avais relevées dans la presse. Je leur ai aussi demandé d'essayer d'en trouver d'autres, et de faire des petits sujets sur ces personnes, sur des parcours de ce type.

Mais, là encore, ça ne dépassait pas le cadre de la réflexion et de la démarche pédagogique. C'est seulement encore plus tard, quand je revenais d'Espagne après avoir tourné Everybody Knows, à mon retour en Iran, que je me suis dit que ce concept, ce sujet qui occupait mes pensées et qui m'intéressait depuis des années, pouvait mériter que je m'y attarde davantage pour écrire une histoire qui ait ce sujet en son cœur."

Asghar Farhadi n'a pas reconnu avoir volé l'idée de son élève et a affirmé avoir fait ses propres recherches sur cette histoire vraie.

Farhadi avait poursuivi Masihzadeh pour diffamation, ce dernier a contre-attaqué en affirmant que le cinéaste oscarisé pour Une séparation en 2012 et pour Le Client en 2017, avait plagié son travail. Le tribunal iranien a tranché les deux procès en faveur de Azadeh Masihzadeh, rejetant l'affaire de diffamation et déclarant Farhadi coupable de plagiat.

Sauvages, au coeur des zoos humains sur Arte : l'horreur des zoos humains racontée dans un documentaire choc

Ils se nomment Petite Capeline, Tambo, Moliko, Ota Benga, Marius Kaloïe et Jean Thiam. Fuégienne de Patagonie, Aborigène d’Australie, Kali’na de Guyane, Pygmée du Congo, Kanak de Nouvelle-Calédonie, ces six-là, comme 35.000 autres entre 1810 et 1940, ont été arrachés à leur terre lointaine pour répondre à la curiosité d'un public en mal d'exotisme, dans les grandes métropoles occidentales.

Présentés comme des monstres de foire, voire comme des cannibales, exhibés dans de véritables zoos humains, ils ont été source de distraction pour plus d'un milliard et demi d'Européens et d'Américains, venus les découvrir en famille au cirque ou dans des villages indigènes reconstitués, lors des grandes expositions universelles et coloniales...

"La barbarie, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie" écrivait l'immense anthropologue et ethnologue français Claude Levi-Strauss dans son célèbre ouvrage Race et Histoire, publié en 1952. Cette citation, placée au tout début du documentaire Sauvages, au coeur des zoos humains, constitue le point d'ancrage et le fil conducteur du film réalisé par Pascal Blanchard et Bruno Victor-Pujebet.

Il importe de replacer cette citation dans son contexte. Le point de départ de la réflexion de Lévi-Strauss était la réfutation radicale de la thèse développée par Arthur de Gobineau, célèbre pour son livre L'Essai sur l'inégalité des races humaines, qui aura un impact considérable sur les théories racialistes au XIXe et XXe siècle.

Dans cet ouvrage paru en 1853, il postulait l'existence de trois races primitives (blanche, jaune et noir), dont les métissages conduisaient à la décadence de l'espèce humaine. Dans cet essai, la race blanche se voyait octroyé "le monopole de la beauté, de l'intelligence et de la force".

Pour Claude Lévi-Strauss, la diversité des cultures ne fût jamais assimilée comme un phénomène naturel, mais davantage comme une monstruosité. Il soulignait l’évolution qui s’est produite lorsque la civilisation occidentale a substitué le terme "barbare" par "sauvage"; les autre formes culturelles différentes étant dans cette logique viscéralement rejetées et systématiquement placées en situation d'infériorité.

"Les Zoos humains, c'est le passage d'un racisme scientifique à un racisme populaire" explique l'historien Pascal Blanchard, spécialiste de l'empire colonial français et de l'Histoire de l'immigration, et co-auteur du documentaire.

On se souvient ainsi avec horreur de cette séquence d'ouverture terrible du film Vénus noire d'Abdellatif Kechiche, qui évoquait l'histoire authentique et tragique de Saartjie Baartman, femme khoïsan originaire d'Afrique du Sud, exhibée en Europe au début du XIXe siècle pour son large postérieur, où elle était connue sous le surnom de «Vénus hottentote».

Dans un amphithéâtre, le fameux naturaliste français, Georges Cuvier, montrait les organes génitaux d'une femme qu'il venait d'extraire, avant de lâcher un peu plus loin : "Je n'ai jamais vu de tête humaine plus semblable à celle des singes". Un parterre de distingués collègues applaudissaient la démonstration. C'était en 1817.

Son histoire, souvent prise pour exemple, est révélatrice de la manière dont les Européens considéraient à l'époque ceux qu'ils désignaient comme appartenant à des "races inférieures". Le squelette et moulage du corps de la malheureuse seront ainsi exposés jusqu'en 1976 au Musée de l'Homme à Paris, et il faudra attendre 2002 pour que sa dépouille ne soit restituée à l'Afrique du Sud, la terre de ses ancêtres.

Le phénomène des zoos humains naît vraiment dans les années 1870-1880. "Ces êtres humains fascinent, parce qu'ils sont représentés comme sauvages. Présentés comme anormaux, comme ayant des difformités, ou ayant des moeurs particulières, comme les cannibales. La fascination est fondamentale pour expliquer le succès de ces zoos humains" commente Sandrine Lemaire, historienne et intervenante dans le documentaire.

Influencés par l'américain P.T. Barnum, célébrissime organisateur de plusieurs spectacles "ethnologiques" et d"exhibition de phénomènes, des hommes comme l'allemand Carl Hagenbeck (1844-1913) font fortune en organisant ces spectacles en Europe, dont Londres constitue, à cette époque, la capitale mondiale des zoos humains.

En 1906, la fortune d'Hagenbeck est telle qu'elle lui permet de financer sur ses propres fonds la construction d'un gigantesque zoo, à Hambourg, qui existe encore à ce jour. P.T. Barnum quant à lui continuera à importer régulièrement des populations jugées suffisamment exotiques, comme en 1883 où il fait venir tout un groupe d'aborigènes d'Australie, qui relevaient à cette époque, selon la terminologie officielle, "de la faune et de la flore"...

Ces zoos humains joueront un rôle très important dans l'affirmation de la puissance coloniale de la France et de la Grande-Bretagne. Il fallait faire connaître aux autres, à l'opinion, cette puissance impériale. Ces zoos humains constituaient ainsi pour les Autorités l'opportunité de faire "vivre" les conquêtes impériales à tous ceux et celles qui ne pouvaient pas voyager. Le jardin d'Acclimatation à Paris sera un des hauts lieux d'accueil de tous ces malheureux et malheureuses venus du bout du monde et des confins de l'empire.

Ils seront par la suite davantage mis en scène, lors des infâmantes expositions coloniales. L'exposition universelle de Paris en 1900 attirera plus de 50 millions de visiteurs, qui se presseront de découvrir les 80.000 exposants, avec détours obligatoires par le village africain reconstitué et peuplé de "cannibales"...

Au-delà du cas de P.T. Barnum, les Etats-Unis, en cette fin du XIXe - début XXe siècle, ne veulent pas rester à la périphérie des empires coloniaux européens. Eux aussi aspirent à étendre leur influence, et fonde un empire colonial en prenant l'île de Cuba à l'Espagne en 1898, puis les Philippines. En 1904, à la gigantesque exposition internationale qui se tient à Saint Louis, dans le Missouri, les Etats-Unis feront ainsi venir 1000 Igorots des Philippines. Du jamais vu. Durant cette exposition d'ailleurs, le célèbre chef Apache Geronimo sera lui aussi exhibé, dans un tipi...

Mais ce qu'affectionne le plus la communauté scientifique et la population d'alors, ce sont les pygmées du Congo, faisant partie de l'ethnie la moins civilisée de la planète estimait-on. Le département d'études anthropologiques de l'Université de Saint Louis passe ainsi commande à un fameux ancien missionnaire devenu explorateur, Samuel Philipps Verner, pour capturer quelques specimens et les placer dans un enclos durant cette exposition. Après être évidemment passés entre les mains des scientifiques, qui se pressent pour prendre sur eux toutes les mesures anthropométriques possibles.

Le cas du pygmée Ota Benga, exposé dans le documentaire, est porteur d'une charge émotive à fendre les pierres en deux. Après avoir été exposé durant dix ans aux États-Unis dans diverses manifestations internationales, culturelles ou scientifiques mais aussi dans des spectacles ethnographiques ou zoo humains, et même un mois durant dans le Zoo du Bronx, à New-York, il recouvra la liberté en septembre 1906, grâce à une campagne de protestation du public, indigné de le voir réduit dans un enclos du zoo.

Devenu libre, il est hébergé dans des orphelinats, où il y apprend l'anglais. Il trouve même un petit emploi dans une manufacture de tabac à Lynchburg, en Virginie. Libre, certes, mais profondément malheureux. Seul survivant de son clan, il comprend qu'il ne pourra jamais s'assimiler et s'épanouir au sein de cette population américaine; encore moins retourner un jour dans son pays d'origine. Au matin du 20 mars 1916, peu après être sorti de chez lui, il se tire une balle dans le coeur avec un pistolet qu'il avait emprunté. Il est enterré deux jours plus tard au cimetière public de Lynchburg, dans une tombe anonyme.

L'amorce du déclin des zoos humains commençera - et le regard porté sur eux - avec la Première guerre mondiale : les peuples coloniaux seront un important pourvoyeur de troupes dans la guerre. Combattants indochinois, tirailleurs sénégalais ou marocains, tous sont envoyés dans le chaudron d'une Europe à feu et à sang. Le général français Charles Mangin était d'ailleurs convaincu de la valeur des troupes sénégalaises. Il les trouvait non seulement endurantes au combat, mais en plus, elles faisaient peur aux allemands disait-il. Les allemands étaient désormais les nouveaux sauvages.

Dans les années 1920, le public se lasse de ces exhibitions et les autorités publiques souhaitent renouveler la forme de celles-ci, tandis que l'essor du cinéma, encore plus lorsqu'il deviendra parlant, capte désormais l'attention d'une population en mal d'exotisme. Les inégalités, les stéréotypes et le racisme seront désormais (mais pas seulement) fixés sur pellicule. Les zoos humains finissent par être interdits par l’administration coloniale dans l'entre-deux-guerres : Hubert Lyautey imposera la fin de toute exhibition à caractère racial dans le cadre de l'Exposition coloniale internationale de Paris en 1931.

Ce qui n'empêchera pas, ponctuellement, la tenue ça et là de ces exhibitions infâmantes, jusque dans les années 1950. Et même, pour prolonger, jusqu'en 1994 en France, avec cette ignoble atteinte à la dignité humaine que fut la création du village de Bamboula, dans une relative indifférence et amnésie de la société de l'époque, et avec la bénédiction des pouvoirs publics...

Pour une dépouille de Saartjie Baartman rendue avec les honneurs à sa terre natale, combien de restes de ces malheureux et malheureuses exhibés, disséqués au nom de la science, dorment encore dans les archives des musées à travers le monde, attendant que leurs pays d'origine ne réclament leurs dépouilles ? Des centaines, sûrement. Peut-être plus. Terribles et douloureux témoignages d'innommables souffrances, dont il appartient aux nouvelles générations "de sortir cette histoire de l'oubli pour apaiser les mémoires", lâche en guise d'épilogue cet exceptionnel et bouleversant documentaire.

"Sauvages, au coeur des zoos humains", diffusé ce mardi 5 avril à 20h55.

Disponible en replay sur Arte TV jusqu'au 3 juin 2022.