Quelques jours après l'attaque sur le Capitole, alors que l'Amérique vit une crise démocratique inédite, Arnold Schwarzenegger a pris la parole ce dimanche 10 janvier sur les réseaux sociaux, dans un message vidéo de 7mn39 déjà vu plusieurs millions de fois.
Dans son bureau, devant les drapeaux des Etats-Unis et de l'état de Californie, l'ancien "Gouvernator", âgé de 73 ans et lui-même Républicain, livre un discours grave, puissant, émouvant mais aussi personnel, convoquant sa propre jeunesse dans une Autriche post Seconde Guerre mondiale hantée par les cictarices du nazisme.
"Notre démocratie est comme l’acier de cette épée : plus elle est frappée, plus elle devient forte."
Evacuant rapidement le sujet Donald Trump ("bientôt aussi insignifiant qu'un vieux tweet"), il préfère célébrer la force de la Démocratie, en convoquant notamment l'inoubliable épée de son Conan à travers une métaphore métallurgique aussi surprenante que pertinente ("plus elle est frappée, plus elle devient forte").
Démocratique, patriotique, rassembleur, optimiste, ce discours a presque des allures de futur message présidentiel. On rappelera toutefois que, malgré son élection au poste de Gouverneur de Californie entre 2003 et 2011, Schwarzy ne peut pas se lancer dans la course à la Maison Blanche, la Constitution américaine stipulant qu'il faut être né(e) sur le sol des Etats-Unis pour se porter candidat(e).
"En tant qu'immigrant dans ce pays, j'aimerais dire quelques mots à mes compatriotes américains et à nos amis du monde entier au sujet des événements de ces derniers jours.
J'ai grandi en Autriche. Je connais très bien la Kristallnacht, ou la Nuit de Cristal. Ce fut une nuit de déchaînement contre les Juifs menée en 1938 par l'équivalent des Proud Boys.
Mercredi était le Jour de Cristal, ici aux États-Unis. Le cristal était celui des fenêtres du Capitole des États-Unis. Mais la foule n'a pas seulement brisé les fenêtres du Capitole : elle a brisé les idées que nous tenions pour acquises.
Ils n'ont pas simplement enfoncé les portes du bâtiment qui abritait la démocratie américaine. Ils ont bafoué les principes mêmes sur lesquels notre pays a été fondé.
J'ai grandi dans les ruines d'un pays qui a subi la perte de sa démocratie. Je suis né en 1947, deux ans après la Seconde Guerre mondiale.
En grandissant, j'étais entouré d'hommes brisés noyant dans l'alcool la culpabilité de leur participation au régime le plus pervers de l'histoire.
Tous n'étaient pas des antisémites enragés ou des nazis : beaucoup ont simplement suivi, étape par étape, ce chemin. C'étaient les gens d'à côté, des gens comme les autres.
Je n'ai jamais partagé ça de manière publique, parce que c'est un souvenir douloureux. Mais mon père rentrait ivre à la maison une ou deux fois par semaine, et il criait et nous frappait et faisait peur à ma mère.
Je ne le tenais pas totalement pour responsable, parce que notre voisin faisait la même chose à sa famille, tout comme le voisin suivant. Je l'ai entendu de mes propres oreilles et je l'ai vu de mes propres yeux.
Ils souffraient physiquement des éclats d'obus dans leur corps et souffraient émotionnellement de ce qu'ils avaient vu ou fait.
Tout a commencé par des mensonges, des mensonges, et encore des mensonges et de l'intolérance.
Donc, étant européen, j’ai vu de mes propres yeux comment les choses peuvent devenir incontrôlables. Je sais qu'il y a une crainte dans ce pays, et partout dans le monde, que quelque chose comme ça puisse arriver ici. Je ne crois pas que ce soit possible, mais je crois que nous devons être conscients des conséquences désastreuses de l’égoïsme et du cynisme.
Le président Trump a cherché à renverser les résultats d'une élection et d'une élection équitable. Il a cherché à fomenter un coup d'État en trompant les gens avec des mensonges. Mon père et nos voisins ont également été induits en erreur par des mensonges, et je sais où ces mensonges mènent.
Le président Trump est un leader raté. Il restera comme le pire président de l'Histoire. La bonne nouvelle, c'est qu'il sera bientôt aussi insignifiant qu'un vieux tweet.
Mais que devons-nous faire de ces élus qui ont soutenu ses mensonges et sa trahison ? Je leur rappellerai ce que Teddy Roosevelt a dit : 'Le patriotisme signifie soutenir le pays. Cela ne veut pas dire soutenir le président.'
John F. Kennedy a écrit un livre intitulé Profiles in Courage. Un certain nombre de membres de mon propre parti, à cause de leur propre inconsistance, ne verraient jamais leurs noms dans un tel livre. Je vous le garantis. Ils sont complices de ceux qui ont porté le drapeau de l'insurrection dans le Capitole.
Mais cela n'a pas fonctionné. Notre démocratie a tenu bon. En quelques heures, le Sénat et la Chambre des représentants travaillaient pour le peuple et certifiaient l’élection du président élu Biden. Quelle belle démonstration de démocratie.
J’ai été élevé en catholique, je suis allé à l’église, je suis allé à l’école catholique, j’ai appris la Bible et mes catéchismes... De cette époque, je me souviens d’une phrase qui est pertinente aujourd’hui : un cœur de serviteur.
Cela signifie servir quelque chose de plus grand que vous-même. Voyez, ce dont nous avons besoin en ce moment de nos représentants élus, c’est un cœur de serviteur public. Nous avons besoin de fonctionnaires qui servent quelque chose de plus grand que leur propre pouvoir ou leur propre parti.
Nous avons besoin de serviteur public qui serviront des idéaux plus élevés : les idéaux sur lesquels ce pays a été fondé, les idéaux que les autres pays admirent.
Depuis quelques jours, des amis du monde entier m'appellent, m'appellent et m'appellent. Ils m'appellent, désemparés et inquiets pour nous en tant que nation.
Une femme pleurait à propos de l'Amérique, de merveilleuses larmes d'idéalisme sur ce que l'Amérique devrait être. Ces larmes devraient nous rappeler ce que l'Amérique signifie pour le monde.
J'ai dit cela à tous ceux qui ont appelé : aussi déchirant que cela soit, l'Amérique renaîtra de ces jours sombres et fera briller à nouveau notre lumière.
Vous voyez cette épée ? C’est l’épée de Conan.
Voici le problème avec les épées : plus vous forgez une épée, plus elle devient solide. Plus vous la martelez avec un marteau puis la chauffez au feu puis la jetez dans l'eau froide, puis la martelez à nouveau, puis la plongez dans le feu et l'eau... Plus vous le faites souvent, plus elle devient solide.
Je ne vous dis pas tout cela parce que je veux que vous deveniez un expert en fabrication d'épée. Mais notre démocratie est comme l’acier de cette épée : plus elle est frappée, plus elle devient forte.
Notre démocratie a été forgée par les guerres, les injustices et les insurrections. Je crois que, aussi secoués que nous l’avons été par les événement de ces derniers jours, nous en sortirons désormais plus forts parce que nous comprenons maintenant ce qui peut être perdu.
Nous avons besoin de réformes, bien sûr, pour que cela ne se reproduise plus jamais. Nous devons responsabiliser les personnes qui nous ont amenés à ce moment impardonnable. Et nous devons regarder au-delà de nous-mêmes, de nos partis et de nos désaccords, et faire passer notre démocratie en premier.
Nous devons guérir, ensemble, du drame qui vient de se passer. Nous devons guérir, non seulement en tant que Républicains ou Démocrates, mais en tant qu'Américains.
Pour commencer ce processus, quelle que soit votre affiliation politique, je vous demande de vous joindre à moi pour dire au président élu Biden : 'Président élu Biden, nous vous souhaitons un grand succès en tant que président. Si vous réussissez, notre nation réussit. Nous vous soutenons de tout cœur alors que vous cherchez à nous rassembler.'
Et à ceux qui pensent pouvoir renverser la Constitution des États-Unis, sachez ceci : vous ne gagnerez jamais.
Président élu Biden, nous nous tenons à vos côtés aujourd'hui, demain et pour toujours, pour défendre notre démocratie contre ceux qui la menaceraient.
Que Dieu vous bénisse tous et que Dieu bénisse l'Amérique."