La fin de l'effet Phoenix ? Il est incontestablement l'un des acteurs les plus en vue du XXIe siècle à Hollywood. Quatre fois nommé aux Oscars au cours des deux premières décennies, Joaquin Phoenix est l'acteur caméléon par excellence, capable de jouer aussi bien l'Empereur romain (dans Gladiator) que le chanteur country (dans Walk the Line) que le vétéran alcoolique (dans The Master) ou le paumé amoureux (dans HER). Ses performances à fleur de peau en ont fait un chouchou du public, aussi prisé des grands cinéastes qu'il sait fédérer au box-office.
Oui mais voilà, depuis quelques mois, l'industrie semble fatiguée des humeurs de Joaquin Phoenix. Notamment depuis qu'il plante des projets du jour au lendemain, laissant sur le carreau un réalisateur, ses collègues du casting et tous les techniciens. C'est ce qui est arrivé au début de l'été 2024, quand le petit frère du regretté River a claqué la porte du nouveau film de Todd Haynes.
Une romance gay dans les années 1930, présentée comme "sexuellement explicite", qui aurait finalement fait "peur" à Joaquin Phoenix... 5 jours avant le début du tournage ! Sans donner (officiellement) de raison, il a choisi au dernier moment de ne pas faire le film... qu'il avait lui-même présenté à Todd Haynes à l'origine. La productrice, Christine Vachon (Killer Films) a parlé d'un "cauchemar" pour toute l'équipe, tant le projet était avancé, le budget validé, les décors construits. Même une partie de l'équipe était déjà au Mexique...
Refusant de se justifier publiquement, l'acteur de 49 ans a seulement laissé entendre - lors du festival de Venise - qu'un différent créatif l'avait poussé à partir : "Je pense que si j'en parle, je ne ferais que partager mon opinion, mon point de vue. Or, les autres créatifs ne sont pas là pour donner leur version. Je ne vois pas en quoi cela serait utile. Donc non, je n'en parlerai pas."
Surtout, Joaquin Phoenix se défend car un procès n'est pas à exclure. Un article du Hollywood Reporter partageait récemment la colère noire de la communauté des producteurs hollywoodiens, furieuse du comportement de la star. Sa défection suscite "une énorme indignation" dans l'industrie, écrit la publication spécialisée. "Et le grondement s'est fait plus fort au sein de la communauté des producteurs pour qu'une action en justice soit intentée contre Phoenix, certains soulignant que tout au long de l'histoire d'Hollywood, des acteurs ont déjà été tenus pour responsables".
L'idée de "blacklister" Joaquin Phoenix serait même sur la table, même si elle semble peu probable à l'heure actuelle, sachant que Joker 2 va vraisemblablement rapporter un nouveau milliard au box-office.
Néanmoins, Joaquin Phoenix a clairement perdu de sa superbe. Sa prestation dans Joker : Folie a Deux n'a d'ailleurs pas retourné la presse, pendant la Mostra. Certaines critiques pointant du doigt une performance "épuisée". Déjà, son incarnation peu inspirée de Napoléon, dans la grande fresque historique de Ridley Scott, avait laissé perplexe.
Surtout qu'il avait failli, cette fois aussi, quitter la production, quelques heures avant le début du tournage. Pour rester dans le costume de l'Empereur Français, Joaquin Phoenix aurait exigé que Paul Thomas Anderson ne vienne aider à la réécriture du film (selon THR). A l'arrivée, Anderson n’est pas crédité en tant que scénariste au générique, donc on ne sait pas vraiment si PTA a réellement contribué. Mais Phoenix a désormais la réputation de la star capable de tout plaquer si quelque chose lui déplaît.
Et Ridley Scott de confirmer (dans Empire) :
"Avec Joaquin, vous pouvez être obligé de réécrire tout le film parce qu’il se sent mal à l’aise. Et c’est ce qui s’est passé avec Napoléon. Nous avons détricoté tout le film pour l’aider à faire le point sur qui était Bonaparte".
Car là encore, le comédien a bien failli poser un lapin à son metteur en scène : "On était à deux semaines du tournage et putain il arrive en me disant : 'Je ne sais pas quoi faire ! Je ne comprends pas le personnage...'" Il a alors fallu rassurer l'acteur, pour éviter qu'il ne plaque tout : "Je lui ai dit de venir s'asseoir. Et nous nous sommes assis comme ça pendant 10 jours d'affilée, toute la journée, en revoyant le personnage scène par scène, en refaisant tout le script. En un sens, c'est comme si nous avions répété. De manière très minutieuse, détail par détail."
Un processus similaire a été employé par Todd Philipps pour éviter de perdre son Joker en cours de route, pendant la production de Folie à Deux. Le réalisateur raconte avoir réécrit constamment des scènes, même pendant le tournage. "Je dis souvent de Joaquin qu’il est le tunnel au bout de la lumière" confiait-il à Vogue cette année. "Vous pensez que telle scène fonctionne, qu'il n'y a plus qu'à la tourner simplement. Et là, Joaquin dit : 'Non, non, non, faisons juste une réunion rapide pour la revoir'. Et trois heures plus tard, vous vous retrouvez à réécrire la scène en question sur une serviette en papier..."
Visiblement, M. Night Shyamalan n'a pas su trouver les mots pour le garder sur Split. Le cinéaste devait retrouver son acteur de Signes (2002) et Le Village (2004) dans la suite d'Incassable. Mais Phoenix a dû être remplacé "au pied levé" par James McAvoy, sans qu'on sache pourquoi : "Je crois qu'il a abandonné le film une quinzaine de jours avant le début des prises de vue" se souvient aujourd'hui son remplaçant, au podcast Happy Sad Confused.
"C'était vraiment à la dernière minute. Je n'ai eu que quelques semaines pour me préparer. Deux semaines, en fait." James McAvoy conclut malgré tout en soulignant : "C'est un acteur génial. Il aurait livré une performance différente de la mienne, sans aucun doute, mais elle aurait été incroyable !"
Après Joker 2, on retrouvera Joaquin Phoenix dans Eddington, un western décalé signé Ari Aster, qui l'a fait tourner dans son dernier grand rôle, Beau is afraid (en 2023). Et cette fois, on est certain qu'il sera dedans... puisque Eddington a été tourné au printemps dernier.
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