Ce 22 mai à 22h30, le Festival de Cannes diffuse hors compétition un long métrage intitulé The Idol, réalisé par Sam Levinson (Euphoria). Décrit lors de l'annonce de sa sélection comme un "film qui va sans doute devenir une série", il s'agit pourtant bien initialement d'une série, ici transformée en un long métrage d'une heure et 45 minutes (ou bien il s'agit du pilote de la série).
Produite par HBO, The Idol suit la romance entre Jocelyn, une jeune chanteuse pop (Lily-Rose Depp), et Tedros, un propriétaire de boîte de nuit et chef d'un étrange culte (joué par Abel Tesfaye alias "The Weeknd"). Mais avant même sa présence à Cannes, cette série a déjà beaucoup fait parler d'elle.
Le 26 avril 2022, Deadline révèle que la réalisatrice Amy Seimetz quitte la série, qu'elle devait entièrement mettre en scène. D'après les informations du média américain, son départ est causé par des "divergences créatives majeures" entre elle et certains scénaristes du projet, qui est écrit par Reza Fahim, The Weeknd et Sam Levinson, et dont Joe Epstein est le showrunner.
Ce type de décision est extrêmement rare chez HBO, firme connue pour permettre aux créateurs d'exprimer leurs visions. Suite à ce départ, Sam Levinson prend sa place et décide de mettre en scène les six épisodes. Une partie de l'équipe de tournage et des comédiens est changée (dont Suzanna Son, révélée dans Red Rocket). Surtout, cette décision survient alors que 4 à 5 épisodes ont déjà été tournés.
Toujours selon Deadline, il semble que les divergences créatives soient nées du fait que "The Weeknd" trouvait que la série mettait un peu trop le point de vue féminin et le personnage de Depp en avant au détriment du sien. Mais tout cela ne serait que la partie immergée de l'iceberg.
Le magazine Rolling Stone s'est entretenu avec "13 membres du casting et de l'équipe" et une fois Levinson aux commandes, la série, qui était quasi finie et avait déjà coûté entre 54 et 75 millions de dollars allait être majoritairement retournée pour prendre une toute autre direction.
En effet, Levinson aurait réorienté The Idol, qui était pensé comme un show "à message" notamment sur la prédation qui entoure le monde de la célébrité, tout en y ajoutant les scènes de sexualité qui ont notamment fait la marque d'Euphoria, son autre série du moment. Rolling Stone souligne même que les séquences de The Idol dépasseraient graphiquement celles d'Euphoria, ce qui n'est pas peu dire.
"J'ai signé pour une satire sombre de la célébrité, notamment au XXIème siècle (...) dans une ère post-Trump. Mais [le show] est passé d'une satire à ce qu'il entendait dénoncer", confie un membre de l'équipe. Une autre anonyme commente que le nouveau message de la série est choquant : "Dans la série, c'est comme un fantasme de viol que n'importe quel homme toxique aurait - puis une femme revient et en redemande car cela rend sa musique meilleure".
L'article de Rolling Stone donne des exemples concrets de scènes qui n'ont pas été tournées mais étaient prévues dans les scénarios de Levinson :
"Dans une version d'un épisode, Tedros frappait le visage de Jocelyn, qui souriait et en redemandait, ce qui lui donnait une érection. Un autre passage voyait Jocelyn devoir mettre un œuf dans son vagin sans le casser car si tel était le cas, le personnage de Tesfaye refusait de la "violer". Le personnage de Depp le suppliait alors de la "violer", pensant qu'il est la clé de son succès."
"On se disait 'Mais c'est quoi ça ? Qu'est-ce qu'on est en train de lire ?'", raconte une source anonyme, "c'était comme un torture porn sexuel".
Les personnes en charge de la série ont pris position à l'encontre des informations de Rolling Stone, à commencer par Lily-Rose Depp elle-même, qui assure que Levinson est "le meilleur réalisateur" avec qui elle a pu tourner et qu'elle ne s'est jamais sentie "plus soutenue et respectée dans un espace créatif, mes propositions et opinions ont été écoutées".
HBO a affirmé son soutien à Levinson et sa team : "L'équipe créative s'est attachée à créer un environnement de travail de respect mutuel, collaboratif et sûr et l'an dernier, l'équipe a effectué des changements créatifs qu'elle a jugé être dans le meilleur intérêt de la production, du casting et de l'équipe".
Si Sam Levinson ne s'est pas encore publiquement exprimé, son co-créateur Abel Tesfaye a trouvé l'article "ridicule", précisant à THR : "J'ai en réalité beaucoup apprécié travailler avec Amy [Seimetz] et je suis certain qu'elle lit tout ça en se disant : 'Pourquoi je suis impliquée dans cette histoire ?'''
Tesfaye rapporte que le départ de Seimetz a à voir avec des "difficultés logistiques liées à l'emploi du temps" de la réalisatrice, ainsi qu'un "désir de ne pas précipiter ma première série".
Voilà pour les coulisses compliquées de la série. Il va revenir aux chanceux festivaliers de déterminer si le show lui-même - ou plutôt le téléfilm qui va leur être proposé - est aussi provoquant et choquant que sa réputation le laisse penser.
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