Dévoilée début avril 2015, l'information fut pour le moins très discrète, coincée entre deux news sur Avengers 2. Plus de 20 ans après sa participation au film Quoi de neuf Bob ? en 1991, un film produit par Touchstone, filiale de Disney, le comédien Richard Dreyfuss attaquait en justice pour rupture de contrat la firme aux grandes oreilles. Motif ? La Major avait empêché la société d'experts comptables mandatée par l'acteur, Robinson & Company, d'avoir accès aux livres de comptes de l'époque et faire ainsi un audit, qui aurait pu permettre à l'acteur de réclamer des royalties non versés par la Major. La veuve du producteur du film Turner & Hooch (1989), Raymond Wagner, s'était également jointe à l'action en justice.
Selon une source citée par le toujours bien informé site Deadline, le cabinet Robinson & Company a en effet "la réputation d'être très agressif et efficace, réputé pour récupérer au nom de ses clients d'importantes sommes d'argent". Selon une source proche du dossier, citée également par le site Deadline, "[c'était] une affaire dans laquelle les comptes sont tellement compliqués qu'une action légale ordinaire demandant une sommes fixe pour les plaignants [était] tout bonnement impossible".
Selon les plaignants, Disney préférait passer par un des "Big 4"; soit un des quatres grands cabinets d'audits (Ernst & Young, KPMG, PricewaterhouseCoopers et Deloitte), tout simplement parce que ces cabinets ne comprennent rien au Hollywood Accounting.
Richard Dreyfuss ajoutait malheureusement son nom à la longue liste des victimes des pratiques comptables des Majors que l'on appelle le Hollywood Accounting. Une vieille pratique, moralement très douteuse, mais néanmoins... Légale. De quoi s'agit-il ?
L'idée, c'est de gonfler le plus possible le montant des frais dits "généraux" d'un film, grâce à une société montée pour l'occasion, qui va absorber ces dépenses. Une somme qui est donc déduite des profits générés grâce aux recettes du film au Box Office. Cette méthode permet ainsi aux Majors de réduire notamment le montant des Royalties à verser (voire les éliminant). Ca vous semble obscure ? Les exemples pour illustrer ne manquent pas... Car à Hollywood, on ne compte plus les victimes de ces pratiques, des acteurs aux scénaristes notamment, mais pas seulement.
Le plus fameux exemple est celui de David Prowse, alias Dark Vador dans la première trilogie Star Wars. L'acteur s'est plaint en 2009 d'avoir été floué dans le contrat signé pour Le Retour du Jedi. Contrat qui prévoyait un pourcentage qu'il devait toucher sur les profits nets générés par le film, qui a engrangé pas moins de 475 millions de dollars à sa sortie. Hormis son cachet d'acteur bien entendu, Prowse n'a pas vu la couleur d'un Cents de ce fameux pourcentage... "Je reçois occasionnellement des lettres de Lucasfilm, me disant qu'ils ont le regret de m'informer que Le Retour du Jedi n'a jamais généré de profits, et qu'ils n'ont par conséquent rien à m'envoyer. On parle de l'une des plus grosses sorties de tous les temps !" déclarait David Prowse, légitimement amer; "je ne voudrais pas avoir l'air d'abuser, mais s'il y a un pot d'or quelque part et que j'ai droit à une part, j'aimerai bien le voir". Devant ses demandes insistantes, le retour de manivelle ne s'est pas fait attendre. En 2010, il s'est fait interdire par LucasFilm (et par extension George Lucas) de toute Convention star Wars ou manifestation organisées autour de la saga... Ambiance.
Comment un film qui a récolté 475 millions de $ au BO (sur un budget de 32 millions) peut-il n'avoir très officiellement aucun profit à distribuer ? Le Hollywood Accounting est passé par là. En fait, les Majors mettent le plus souvent sur pied une société pour chaque film qu'elles produisent. Comme n'importe quelle société, elle calcule ses profits en soustrayant les dépenses des revenus. Le studio charge alors cette société / entité avec d'énormes frais, qui couvrent / camouflent ainsi les revenus des films. D'un point de vue comptable, le film devient un "Money Loser", et n'a donc techniquement pas de profits à reverser...Tout est bon pour gonfler ces fameux frais généraux, que ce soit à la production, au marketing ou à la distribution.
Un exemple plus récent concerne le film Harry Potter et l'Ordre du Phénix, sorti en 2007 et produit par Warner. On parle donc d'un film qui a engrangé au Box Office mondial près de 940 millions de $, pour un budget de 150 millions environ. Très officiellement, le film est en fait... Déficitaire; de 167 millions de $ très exactement. Oui oui, vous avez bien lu. Hallucinant. En 2010, le site Deadline avait pu mettre la main sur une facture de la Major. On peut y voir que le studio a chargé environ 350 millions de $ dans les frais de distribution, publicité et autres à cette société externe.