Son livre Respect est en librairie (Julliard). Anouk Grinberg, qui avait dénoncé le « silence assourdissant » de l’industrie du cinéma lors de la mise en examen de Gérard Depardieu pour « viols » et « agressions sexuelles » sur Charlotte Arnould, y dévoile les agressions sexuelles qu’elle-même a subit dès son enfance, l’omerta de sa famille, et les répercussions que ces abus ont eu, et ont toujours sur sa vie. Sur la vie d’une femme qui, grâce au mouvement #MeToo, a pu entreprendre un long chemin et sortir de celle qu’elle appelle son « anesthésie » dans une interview publiée le 2 avril dans Libération.
Pour Anouk Grinberg, tout commence par un viol « digital » à 7 ans par un banquier (le beau-père de sa meilleure amie, en présence de cette dernière qui ne voit rien), alors qu’ils regardent ensemble un film. « C’était tellement violent que je n’ai pas pu m’opposer. Pas un son n’est sorti de moi, mon corps, mon âme, tout était mort, je ne pouvais plus bouger, ce qui lui a peut-être fait croire que j’y trouvais mon compte », révèle l’actrice à Libération. Et Anouk Grinberg de dénoncer cette génération d’hommes qui a pu se persuader que les enfants étaient alors très sexualisés, un prétexte à leur prédation.
Dernière née d’une fratrie de quatre enfants, elle est la fille de Catherine, une femme en très grande dépression, et d’un père (le dramaturge et écrivain Michel Vinaver). Anouk Grinberg a été élevée dans un milieu opulent, mais dans le mépris de la fratrie, suite à l’avortement raté de sa mère…
Un nouveau drame surgit dans la vie de la fillette avec, cette fois, son frère aîné et un épisode incestueux alors qu’elle n’a que 12 ans. Son père, témoin de la scène, ne dira rien, évoquant même plus tard la possibilité de « plusieurs vérités » ! « C’était comme si je montais une marche supplémentaire dans l’omniprésence du sexe », décrit aujourd’hui l’actrice à Libération.
Reste, pour la fillette, le sentiment d’une petite mort qui ne la quittera plus, un souvenir qu’elle écrasera « pour paraître la femme la plus libérée de la Terre » et qui la hantera, contraignant forcément ses futures relations. Et tandis que la jeune femme tente de se relever, l’omerta familiale qui pèse de tout son poids est décrite par Anouk Grinberg comme « un tombeau » où elle fut placée vivante…
Après ses débuts au théâtre et un besoin de se « dédoubler », Anouk Grinberg rencontre le cinéaste Bertrand Blier dans les années 90. Leur relation professionnelle se mue en relation personnelle. Après Merci la vie (1991), Un, deux, trois, soleil (1993), le réalisateur avec lequel elle aura un fils (Léonard, né en 1993), veut la faire tourner dans son film Mon homme (1996).
vAgée de 33 ans, la comédienne ne veut pas de ce rôle de prostituée qui offrira l’hospitalité à un clochard (incarné par Gérard Lanvin)... son futur proxénète.
Face à son terrible héritage, à cette mère malade et totalement défaillante, Blier lui disait qu'elle aussi « était folle ». Afin de la « neutraliser », il la contraint même à prendre des neuroleptiques durant six ans. Ces médicaments lui sont prescrits par un psychiatre des stars, avec des ordonnances transmises directement à son compagnon. Des ordonnances qu’elle ne voit pas… « C’est bien pratique pour les prédateurs de faire passer pour folle une femme qui veut se redresser », rappelle Anouk Grinberg à Libération. Le film finit par se tourner et vaut à l’actrice l’Ours d’argent à Berlin et une nomination aux César 1997 (Meilleure actrice).
Aujourd'hui, Respect est incontestablement le signe d’une lumière dans la vie d’Anouk Grinberg. Elle qui fut gravement malade, malade « à côtoyer la mort », a aussi pu guérir de son cancer en cherchant sa vérité et en écrivant durant un an ce livre témoin : « mon propre déni n’était plus possible ».