Le 14 juillet 1881, il y a tout juste 140 ans, le fameux hors-la-loi américain, Billy The Kid, tombe sous les balles du shérif du comté de Lincoln, Pat Garrett, à Fort Sumner, au Nouveau Mexique. Une exécution qui le fait instantanément entrer dans la légende de l'Ouest américain et ses mythes.
Cette date anniversaire est finalement un bon prétexte pour revenir justement sur le chef-d'oeuvre de Sam Peckinpah sorti en 1973, Pat Garrett et Billy le Kid. Une oeuvre qui, comme tant d'autres dans sa filmographie, passa elle aussi sous les fourches caudines d'un producteur en guerre ouverte avec le cinéaste.
Le drame profond de Sam Peckinpah, c'est qu'il est né trop tard. Descendant de pionniers fameux, Peckinpah est né au moment où ses ancêtres entraient dans la légende californienne : faute de pouvoir vivre leur épopée, il dut se contenter d'en recueillir les échos. Et c'est trop tard encore, dix ans trop tard, qu'il vint au cinéma, entamant une carrière tumultueuse, émaillée de batailles perdues car vouées à un perpétuel porte-à-faux" écrivait l'historien du cinéma Michael Henry Wilson dans le superbe livre "A la porte du Paradis : 100 ans de cinéma américain", publié chez Armand Colin en 2014.
Cette réflexion s'applique naturellement à son chef-d'oeuvre qu'est La Horde sauvage, western crépusculaire considéré à juste titre comme la réponse définitive d'Hollywood à la vague de westerns spaghetti. C'est un Ouest agonisant gangrené par la modernité (on est en 1911, on est témoin des premières automobiles...) que dépeint le cinéaste, au sein duquel le chef de cette bande, Pike Bishop (admirable William Holden) semble vouloir prendre congé d'un monde qu'il ne comprend plus. Tout comme Peckinpah.
Fasciné par les rudes valeurs de la Frontière et le code moral fruste de ses pionniers et ses hors-la-loi, Peckinpah s'attache à dépeindre le crépuscule d'un âge héroïque, l'errance pathétique et convulsive de ses derniers survivants, dans un univers qui n'est plus à leur mesure.
Ses personnages, guidés par un sens de l'honneur et une fidélité à eux-même, se refusent ainsi à toute compromission, fut-ce même au prix de leur survie. Pour Peckinpah, c'est la tristesse de voir disparaître à jamais cette promesse de liberté qui est l'essence même de l'Amérique.
Si l'apothéose sanglante de la Horde sauvage marquait un premier jalon, Pat Garrett et Billy le Kid constitue une ultime et encore plus tragique méditation sur ces héros de l'Ouest. Ici, les derniers grands espaces ont été colonisés, le capitalisme et l'ordre règnent désormais en maîtres.
Pat Garrett (magnifique James Coburn), ancien hors-la-loi passé de l'autre côté de la barrière, est chargé de mettre fin à tout prix aux agissements de son ancien compagnon d'arme, Billy le Kid (Kris Kristofferson). S'il est un homme de l'ancien temps, Garrett cherche à s'adapter aux changements, dans un souci de "vieillir avec le pays", comme il le dit lui-même au début du film. "Les temps ont changés" lance un peu plus tard Garrett à son vieux complice, dans un échange encore amical. "Les temps peut-être, mais pas moi" lui rétorque Billy. La rupture est désormais consommée.